Podcast #4 « Des mondes à construire » : hydrogène et mobilité maritime

Pour ce quatrième épisode de cette saison du podcast "Des mondes à construire", nous recevons Bruno Nicolas, directeur d'Actemium, marque de VINCI Energies dédiée à l'industrie. Grâce à lui, vous découvrirez, en moins de 10 minutes, le potentiel de l'hydrogène pour la mobilité maritime !

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Bonjour, vous écoutez Des mondes à construire, le podcast de Leonard pour mieux comprendre les transformations des villes et des territoires, l’avenir des métiers de la construction, des mobilités et de l’énergie. Cette saison, nous nous penchons sur l’hydrogène. Depuis plusieurs années, l’hydrogène fait figure de solution miracle pour décarboner les mobilités, l’industrie et stocker les énergies renouvelables. Mais comment est-il produit ? Comment est-il stocké et transporté ? Quels usages peut-on en faire ? Aujourd’hui, nous allons nous pencher sur la question des mobilités maritimes avec Bruno Nicolas. Bonjour Bruno Nicolas.

Bonjour Clara.

Vous dirigez Actemium, marque de VINCI Énergies dédiée à l’industrie. Vous agissez notamment pour décarboner le secteur maritime. Ce secteur n’est pas très connu du grand public. Pouvez-vous en quelques mots nous en parler ?

Oui, volontiers. Avec 535 millions de tonnes de CO2 émises chaque année, le transport maritime représente 17% de l’ensemble des émissions liées aux transports, soit environ 3% de la totalité des émissions mondiales de CO2. Compte tenu que le carburant le plus souvent utilisé est du fioul lourd – il s’agit quasiment de pétrole brut : seul le bitume que l’on utilise pour les routes est plus lourd – c’est un secteur qui est responsable de 16% des émissions mondiales de dioxyde de soufre, un des principaux polluants de l’atmosphère.

On comprend bien l’impact environnemental du secteur et donc la nécessité d’agir. Mais compte tenu de ce que vous venez de dire, ne serait-il pas plus simple de limiter au maximum ce mode de transport ?

Non. Non, car dans le même temps, le transport maritime est le mode de transport le plus économique, le plus efficient. Et si l’on se réfère à la tonne transportée par kilomètre, le moins polluant. Ainsi, bien qu’il ne pèse que 17% des émissions liées au transport, il assure 70% de la totalité du transport de fret et il est donc appelé à se développer : il devrait doubler d’ici 2050, et c’est plutôt une bonne nouvelle pour la planète.

Mais tout de même, 535 millions de tonnes de CO2 émises chaque année… Ne peut-on envisager des mesures pour réduire cet impact qui semble considérable ?

Alors des solutions ont déjà été mises en place pour limiter son impact environnemental, comme la réduction de vitesse des navires, l’alimentation électrique des bateaux à quai, le recours à des carburants fossiles avec une plus faible teneur en soufre ou le recours au GNL, le fameux gaz naturel liquéfié. Toutes ces mesures ont conduit à baisser d’un quart les émissions de CO2 par rapport à 1990, mais le secteur doit maintenant se transformer en profondeur pour se conformer aux directives de l’OMI – l’OMI c’est l’Organisation maritime internationale – ou pour les navires européens, atteindre les objectifs du Pacte vert et viser la neutralité carbone en 2050. Cette transformation, elle reposera très largement sur l’utilisation de carburants durables comme les biocarburants et les e-fuels. Les e-fuels, ce sont les carburants obtenus à partir d’énergie électrique bas-carbone, en particulier l’hydrogène bas-carbone et tous ses dérivés comme le e-ammoniac ou le e-méthanol.

Si je comprends bien, on a le choix entre des biocarburants et des e-fuels. Pourquoi ne pas tout miser sur les biocarburants qui sont déjà bien connus et utilisés ?

Les biocarburants sont une des composantes, mais elle restera forcément limitée compte tenu des limitations des ressources en biomasse nécessaires à leur production. Pour donner quelques chiffres, le transport maritime consomme 200 millions de tonnes de fioul lourd chaque année, alors que la production mondiale totale pour les biocarburants est d’environ 3,5 millions de tonnes et qu’il sera difficile de faire beaucoup plus sans un impact considérable sur l’agriculture, sur les forêts et donc sur la biodiversité.

Vous préconisez donc le recours aux e-fuels. Comment, à votre avis, peuvent-ils être mis en œuvre dans le secteur maritime ?

Il y a deux problématiques distinctes. D’abord, quels e-fuels et pour quels usages ? Sur cette question, très schématiquement, l’hydrogène sera destiné aux petits navires sur des courtes distances en raison de sa faible masse volumique qui impose de le stocker soit à très haute pression, soit à très basse température. Les porte containers et tous les autres grands navires utiliseront plutôt de l’ammoniac ou du méthanol, beaucoup plus faciles à transporter en masse. Dans les deux cas, les navires seront adaptés, soit en utilisant ces nouveaux carburants dans les moteurs à combustion interne, soit au travers de propulsions électriques associées à une pile à combustible.

Votre deuxième point est, je suppose, lié à la production et à la distribution de ces e-fuels. Il en faudra des millions de tonnes. Comment faire ?

Vous avez bien suivi. Ça c’est le principal défi de cette transformation. Quelles en seront les principales composantes ? D’abord, il faudra disposer d’énergies bas-carbone ou d’énergies vertes en grande quantité. Pour illustrer ce que cela représente, pour remplacer l’intégralité des carburants fossiles utilisés dans le maritime… Vous vous souvenez, les 200 millions de tonnes annuelles que j’ai déjà évoquées par des e-fuels produits avec de l’énergie solaire, il faudrait environ 18 000 kilomètres carrés de panneaux photovoltaïques, soit 174 fois la surface de Paris. C’est énorme. Mais dans le même temps, ça ne représente que 0,2 % de la surface du Sahara. Donc il faut de l’énergie verte, première composante. Mais il faut également des électrolyseurs, pour transformer l’eau en hydrogène. Et cet hydrogène sera ensuite combiné soit avec de l’azote pour obtenir de l’ammoniac, soit avec du CO2 pour produire du méthanol. Et le développement de cette capacité à fabriquer des électrolyseurs, c’est un des axes majeurs de toutes les politiques publiques de l’Union européenne, de toutes les politiques associées au Green Deal. Ces e-fuels seront principalement produits dans des régions où les énergies renouvelables sont peu chères, sont faciles à produire et ils seront ensuite acheminés vers les réseaux de distribution par des navires, évidemment à propulsion bas-carbone.

Tout ça n’est-il pas un peu utopique, notamment face à l’urgence climatique qui impose d’agir sans délai ?

Vous savez, moi je suis convaincu que le transport maritime sera le premier dans cette voie. Les solutions techniques, elles existent. Les premiers navires capables de fonctionner à l’e-methanol ont déjà été commandés par les principaux armateurs de porte containers. Il s’agit maintenant de déployer les infrastructures de production, les infrastructures de stockage, les transports et la distribution pour être au rendez-vous fixé et contribuer ainsi massivement à l’objectif de neutralité carbone en 2050.

Merci beaucoup Bruno Nicolas pour ces explications.

Merci beaucoup Clara !

Nous nous retrouvons dans un prochain podcast pour parler de mobilité aérienne et ferroviaire. Et merci d’avoir écouté Des mondes à construire, le podcast de Leonard. Au fait, Leonard, c’est la plateforme d’innovation et de prospective du groupe VINCI. Retrouvez toutes nos informations sur leonard.vinci.com. À bientôt !

* Des mondes à construire, c’est le podcast de Leonard pour mieux comprendre les transformations des villes et des territoires, l’avenir des métiers de la construction, des mobilités, de l’énergie…   
À chaque saison, nous abordons une thématique sous différents angles, en allant à la rencontre d’experts qui nous expliquent simplement et en moins de 10 minutes un aspect spécifique de leur sujet.

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