Podcast #6 « Des mondes à construire » : hydrogène et mobilité aérienne

Pour ce sixième épisode de cette saison du podcast "Des mondes à construire", nous recevons Eric Delobel, directeur technique de VINCI Airports et référent hydrogène de VINCI Concessions. Grâce à lui, vous découvrirez le potentiel de l'hydrogène pour la mobilité aérienne !

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Bonjour, vous écoutez Des mondes à construire, le podcast de Leonard pour mieux comprendre les transformations des villes et des territoires, l’avenir des métiers de la construction, des mobilités et de l’énergie. Cette saison, nous nous penchons sur l’hydrogène. Depuis plusieurs années, l’hydrogène fait figure de solution miracle pour décarboner les mobilités, l’industrie et stocker les énergies renouvelables. Mais comment est-il produit ?

Comment est-il stocké et transporté ? Quels usages peut-on en faire ? Dans l’épisode précédent, nous avons parlé de mobilité ferroviaire avec vous, Eric Delobel, et vous nous précisiez que les enjeux liés aux émissions de CO2 ne sont pas aussi importants que pour d’autres secteurs comme l’autoroutier ou l’aérien.

Justement, l’aérien, parlons-en. Vous travaillez également sur l’application de l’hydrogène au secteur aérien, qui est un secteur qui est particulièrement émetteur de CO2.

Je pense qu’il convient d’abord et avant tout de relativiser ce sujet. Comme je le disais précédemment, le transport aérien c’est à peu près une grosse dizaine de % des émissions CO2 du transport, des 25% que j’évoquais (cf épisode 4 sur la mobilité ferroviaire). À la fin de l’histoire, le transport aérien représente entre 2 et 3% des émissions de CO2 dans le monde. Donc c’est grosso modo une gigatonne de CO2. C’est de ça dont on parle, ce qui est à peu près le même poids dans le transport maritime. Il faut quand même relativiser le sujet. On ne parle “que de”, même si c’est beaucoup, de 2 à 3% des émissions de CO2 dans le monde. Mais quand bien même c’est relativement faible, il est à souligner que l’industrie au sens large du terme, l’industrie du transport aérien, s’est donné une feuille de route globale et partagée qui, en Europe, s’appelle Destination 2050 et qui engage l’ensemble des acteurs du transport aérien, du manufacturier d’avion jusqu’à l’opérateur aéroportuaire en passant par les ground handlers, les personnes qui s’occupent de gérer et de manipuler les avions, les bagages, les passagers. Tous les acteurs de la filière du transport aérien se sont concertés et se sont accordés sur une feuille de route commune qui doit nous amener à un objectif de zéro émission nette en 2050. Zéro émission nette en 2050, c’est notre feuille de route commune. Tout le monde travaille ensemble dans cet objectif et la bonne nouvelle, c’est qu’on a plein de solutions pour y arriver, parmi lesquelles l’hydrogène, mais pas que. Donc l’hydrogène pèsera à peu près entre 20 et 25% de cette décarbonation du transport aérien. Mais avant ça, on aura mis en place tout ce qui est carburants d’aviation durable. Donc ça s’appelle CAD en français ou SAF en anglais : on appelle aussi ça les sustainable aviation fuels. Donc c’est un autre levier que nous avons à notre disposition pour atteindre cet objectif d’une décarbonation, de zéro émission nette en 2050. Mais avant même ça, il y a déjà des choses que l’on peut faire maintenant. Nous, en tant qu’opérateur aéroportuaire, on peut améliorer nos pratiques opérationnelles au sol ou dans les airs. C’est ce que l’on fait déjà pour diminuer, par exemple, les temps de roulage des avions ou pour, je dirais, améliorer ou rendre plus efficaces les trajectoires aériennes, ce qui permet aussi de gagner beaucoup d’émissions de CO2. Et puis les manufacturiers d’avions, Airbus notamment, et avant même de mettre en service leurs futurs avions hydrogène, travaillent toujours et encore sur l’amélioration technologique des avions, que ça soit le fuselage ou que ça soit les moteurs, pour que la consommation en énergie soit grandement diminuée. Tout ça nous donne en fait un portefeuille de leviers d’action qui, de l’amélioration des pratiques opérationnelles, de l’amélioration des technologies des aéronefs d’aujourd’hui, des carburants d’aviation durable et de l’hydrogène va nous permettre, à l’ensemble de la profession et de l’industrie, d’arriver et d’atteindre notre objectif de zéro émission nette en 2050. L’hydrogène, comme je vous le disais, pèsera entre 20 et 25%. Et lorsque l’on parle d’hydrogène pour le transport aérien, on parle d’hydrogène liquide. En fait, pour des raisons très simples, c’est que l’hydrogène liquide, qui est la forme liquide de l’hydrogène ; c’est une forme qu’on obtient à – 253 degrés Celsius, donc ça engendre évidemment des problématiques et des enjeux de cryogénie. Mais c’est la forme la plus compacte de l’hydrogène qui permet en fait d’embarquer dans les avions une grande quantité d’hydrogène dans un volume le plus restreint possible. Parce qu’on a évidemment un problème d’architecture d’avion, on doit réussir, et Airbus en premier, à revoir le design de ces avions, mais en restant dans des dimensions compatibles avec les postes avions tels qu’on peut les concevoir sur nos aéroports. Et donc un gros travail est fait au niveau du réservoir de ces avions pour que, à la fois ils puissent être compatibles par rapport à une taille acceptable sur nos aéroports, mais aussi permettant d’emporter au niveau des avions la quantité d’hydrogène nécessaire pour faire tourner les avions. De quelle quantité on parle ? On parle d’à peu près 2 à 3 tonnes d’hydrogène par avion. Donc d’hydrogène liquide. Et c’est la quantité nécessaire pour que cet avion tourne comme il tourne aujourd’hui avec du kérosène, en l’occurrence du jet A-1. Ça, c’est la grande problématique de l’hydrogène. Et bien comprendre que c’est la forme liquide de l’hydrogène qui sera utilisée. Et donc vous pensez bien, comme je le disais précédemment, qu’il y a beaucoup de sujets à résoudre pour que ces sujets de cryogénie n’en soient pas. Le premier c’est ce qu’on appelle le phénomène de vaporisation. C’est-à-dire que lorsqu’on manie de l’hydrogène liquide à – 253 degrés Celsius, le risque, c’est que la température baisse et que de la forme liquide, on arrive à la forme gazeuse. Et donc il y a un phénomène d’évaporation de cet hydrogène qui fait que les molécules d’hydrogène nécessaires pour remplir le réservoir du nouvel avion ne soient pas dans le réservoir mais dans les airs. Et donc, ce phénomène de vaporisation, de boil-off en anglais, doit être absolument combattu pour qu’il y ait une efficacité de cette filière d’approvisionnement depuis la production d’hydrogène liquide jusqu’à ce qu’on le mette dans le réservoir de l’avion et donc concevoir des tubes, des pipes, des flexibles cryogènes qui, du début jusqu’à la fin, permettent de conserver cette température de – 253 degrés Celsius. Donc de vrais enjeux technologiques, mais qu’on étudie déjà avec tous les acteurs et en particulier avec Airbus.

Et du coup, est-ce qu’il y a une question aussi de rétrofitting qui est envisagée là, est-ce qu’on pourrait de même manière qu’on le fait pour les trains… Est-ce qu’on pourrait aussi rétrofitter des avions ?

Alors c’est moins le cas. Honnêtement, c’est moins le cas pour les avions que pour les trains. Mais il y a quand même deux grandes familles de moteurs qui sont à l’essai. Il y a le moteur électrique, c’est-à-dire que c’est un moteur qui est alimenté par de l’électron. Mais cet électron vient en fait de la transformation de l’hydrogène liquide en électrons à travers une pile à combustible, et donc cette pile à combustible embarquée dans l’avion permettra de transformer l’hydrogène servi dans les réservoirs des avions pour alimenter le moteur. Donc ça, c’est la première technologie. Une technologie de moteur électrique via une pile à combustible. Et puis il y a un deuxième type de moteur, le moteur à combustion hydrogène directe. Qui s’affranchira d’une pile à combustible et qui alimentera le moteur directement par de l’hydrogène. Les deux technologies sont à l’étude, sont sur les bancs d’essais des grands manufacturiers d’avions et d’Airbus en particulier, avec évidemment ses partenaires motoristes que sont General Electric, que sont Rolls-Royce… Tous les grands manufacturiers de moteurs étudient les deux technologies. Et puis après, il y aura évidemment un trade off à faire entre ces deux technologies pour voir quel est le meilleur compromis, sachant qu’il n’y a pas forcément de choix à faire. Peut-être qu’il y aura des avions par rapport à leur portée qui seront plus pertinents à faire à travers une pile à combustible et d’autres qui seront plus pertinents à faire avec de la combustion directe hydrogène. Sachant qu’aujourd’hui le manufacturier d’avion en pointe sur ce sujet d’hydrogène, c’est Airbus, comme vous le savez déjà probablement, puisque Airbus étudie activement un nouveau modèle d’avion à hydrogène avec deux modèles : un modèle plutôt court courrier qu’on dit short haul en anglais, plutôt à destination des vols régionaux. C’est un modèle qui fera une centaine de places, propulsé à hélice. Et peut-être que dans ce cas de figure-là, la pile à combustible, transformant l’hydrogène en électrons, sera la plus pertinente. Et puis il y a un deuxième modèle qui est à l’étude par Airbus, qui est un autre monocouloir, qui normalement est destiné à être le successeur de la famille des A320 que l’on connaît bien, donc du 319 jusqu’au 321. Là, ce sera un modèle d’avion un peu plus spacieux, puisqu’ils envisagent d’embarquer jusqu’à 200 personnes, donc 200 sièges. Et là, on sera potentiellement peut-être plus sur une technologie de combustion directe d’hydrogène. De toute façon, tout ça est à l’étude chez Airbus, donc on travaille activement chez VINCI à travers un partenariat stratégique qu’on a signé avec Airbus et d’autres gaziers comme Air Liquide. On travaille justement à la maturation de cet avion et surtout de sa compatibilité avec les infrastructures aéroportuaires que l’on opère. Et l’idée, c’est qu’en 2035, le premier vol d’avion à hydrogène soit opéré et on espère bien évidemment accueillir ce premier vol sur nos plateformes aéroportuaires, que ce soit à Lyon ou à Gatwick ou à Lisbonne. Et là on regarde vraiment très précisément ce sujet. Après ce qu’il faut aussi comprendre, c’est que c’est vraiment un marathon technologique pour Airbus. Le planning, c’est qu’ils lancent la première commercialisation de ces avions, donc commencer à vendre ces avions en 2028. C’est demain. C’est vraiment demain. Donc il y a déjà des compagnies qui se positionnent pour acheter ces avions. Je pense notamment à la compagnie EasyJet qui est un gros client de VINCI Airports. Donc EasyJet a fait beaucoup de déclarations et a misé vraiment sur la technologie et donc lui aussi a signé un partenariat avec Airbus pour développer l’avion à hydrogène de demain. Et donc 2028 première commercialisation des avions, premier vol 2035 et là, les premiers essais en l’air, à dimension réelle, vont être conduits par Airbus en 2026. 2026 premier vol avec des moteurs à hydrogène mis en place sur un A380. Parallèlement à ça, des essais au sol ont commencé sur l’aéroport de Toulouse-Blagnac. Tout ça pour vous dire que vraiment, ça arrive. C’est concret. Airbus avec nous, VINCI Airports avance, on y travaille, et donc il y a un calendrier très serré mais très très clairement établi qui est sur la table. Le financement est là aussi, puisque la France aide également beaucoup Airbus dans cette aventure et donc il faut prendre très au sérieux, très très au sérieux cette nouvelle technologie. C’est ce que l’on fait évidemment chez VINCI Airports à travers ce partenariat stratégique et à travers ce premier de série que l’on développe sur l’aéroport de Lyon-Saint-Exupéry.

Rendez-vous demain alors ?

Exactement.

Merci Eric Delobel pour ces explications. Dans un prochain podcast, nous parlerons d’hydrogène, d’industrie et de réseaux électriques. Et merci d’avoir écouté Des mondes à construire, le podcast de Leonard. Au fait, Leonard, c’est la plateforme d’innovation et de prospective du groupe VINCI. Retrouvez toutes nos informations sur leonard.vinci.com. À bientôt !

* Des mondes à construire, c’est le podcast de Leonard pour mieux comprendre les transformations des villes et des territoires, l’avenir des métiers de la construction, des mobilités, de l’énergie…   
À chaque saison, nous abordons une thématique sous différents angles, en allant à la rencontre d’experts qui nous expliquent simplement et en moins de 10 minutes un aspect spécifique de leur sujet.

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