Prévision du temps de roulage au départ

"PNC, préparez-vous au roulage". Il fut un temps où les grésillements incompréhensibles sortant des haut-parleurs de l’équipage me ravissaient les oreilles : enfin, l’avion allait décoller et la vie reprendre son cours, quelle que soit notre destination.

Cet article fait partie d’une série portée par les membres du programme IA de Leonard. Le parcours a été spécialement conçu pour accélérer l’adoption des technologies de l’IA au sein du groupe VINCI. Il comporte une période d’incubation de cinq mois au cours de laquelle une sélection de collaborateurs VINCI suivent un apprentissage par la pratique. Leur objectif est de co-créer un cas d’usage basé sur l’IA, sous la supervision de l’équipe Leonard et des consultants Eleven.

 

Que j’étais jeune et naïf à l’époque… En effet, une fois parés au décollage, une autre voix plus forte et plus claire retentissait dans tout l’avion : « Mesdames, Messieurs, ici votre commandant de bord, on nous informe que nous avons perdu notre créneau de départ, nous sommes 5ième dans la file d’attente pour le décollage, ce qui devrait occasionner un retard de 15 à 20 minutes. Le personnel navigant est à votre service… ». Le reste du message ayant peu d’importance, je rechaussais mon casque pour faire le plein de Metallica avant le décollage.

Les années ont passé et je m’aperçois aujourd’hui que j’étais encore plus naïf que je ne le pensais : d’abord, et bien évidemment, même si la porte d’embarquement affiche un départ à l’heure, un décollage à l’heure n’est pas garanti. Ensuite et surtout, à partir du moment où la gestion des opérations aéroportuaires côté piste m’est apparue dans toute sa complexité, j’ai compris que les retards n’ont rien de surprenant et que le simple fait de respecter l’heure de départ prévue n’est pas une mince affaire.

Avant d’entrer dans les détails du fonctionnement d’un aéroport, voyons l’illustration suivante :

taxi time

Un aéroport comprend deux zones principales :

  • Le côté ville : où l’on peut circuler librement, faire ses achats, s’enregistrer…
  • Le côté piste : réservé aux véhicules et aux personnels autorisés

Cet article aborde le côté piste.

 

Revenons à notre histoire, comment fonctionne le côté piste, en tout cas du point de vue de l’appareil ?

Un avion en approche finit par atterrir. Au processus d’atterrissage correspond une heure effective d’atterrissage (ALDT – Actual Landing Time), c’est-à-dire le moment précis où les roues de l’appareil (A/C ou aircraft) touchent le sol. Après l’ALDT, l’avion se dirige vers sa porte ou son poste de stationnement, c’est le roulage à l’arrivée. Une fois le poste atteint, l’horodatage enregistre l’heure effective d’arrivée sur l’aire de stationnement (AIBT – Actual In-Block Time). L’intervalle entre l’ALDT et l’AIBT correspond au temps de roulage à l’arrivée.

 

Après l’AIBT, les équipes d’assistance au sol interviennent sur l’appareil (restauration, nettoyage, ravitaillement en carburant, embarquement…). Une fois l’intervention terminée, l’appareil peut quitter son poste de stationnement : c’est l’heure effective de départ bloc (AOBT – Actual Off-Block Time). L’intervalle de temps entre l’AOBT et l’heure effective de décollage de l’avion (ATOT – Actual Take-Off Time) correspond au temps de roulage au départ, source de frustration pour tant de passagers. Le temps de roulage au départ est primordial pour déterminer l’heure effective de décollage de l’appareil. En effet, si l’AOBT est prévue à 10:35 et que le temps de roulage au départ est de 20 minutes, la piste devra être libre pour un décollage à 10:55, au risque de générer une file d’attente en entrée de piste.

 

Cette problématique n’a rien de nouveau pour les aéroports et nombre d’entreprises ont mis au point des solutions pour faciliter les opérations aéroportuaires à cet égard. Par exemple, le système de gestion des départs DMAN (pour Departure Manager) situé dans la tour de contrôle vise à prévoir le temps de roulage au départ. Cependant, la plupart du temps, cette prévision par moyenne mobile manque de précision et n’élimine pas les files d’attente.

 

La problématique a été contournée dans des conditions extrêmement contraintes comme à Gatwick. L’aéroport ne disposant que d’une seule piste de décollage / d’atterrissage, il est en effet primordial d’optimiser l’accès des appareils au départ et à l’arrivée. Avec l’aide et le soutien du programme Leonard d’intelligence artificielle, et sur la base de données tant situationnelles qu’opérationnelles, les équipes de Gatwick ont réussi à construire un algorithme permettant de prévoir avec précision le temps de roulage au départ.

 

L’optimisation du temps de roulage prévu présente un triple avantage :

  • Pour les compagnies aériennes : dont le principe financier de base est qu’un avion cloué au sol perd de l’argent. Ainsi, grâce à une meilleure prévision du temps de roulage au départ et à une réduction des files d’attente en entrée de piste, les appareils passent moins de temps au sol, ce qui réduit le manque à gagner des compagnies aériennes.
  • Pour les aéroports : dont les rentrées d’argent augmentent en fonction du nombre quotidien d’avions en service. En lissant le flux des avions grâce à ses prévisions, la solution augmente potentiellement le nombre quotidien d’avions exploitables et, donc, les revenus générés par l’aéroport.
  • Pour l’environnement : il faut savoir qu’un avion n’éteint pas ses moteurs lorsqu’il attend en entrée de piste, ce qui majore inutilement la consommation de kérosène et les émissions de GES. En écourtant le temps d’attente, la solution permet également de réduire l’empreinte carbone de l’aéroport.

 

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