L’urgence de la rénovation
17% du parc immobilier Français peut être considéré comme “très énergivore”. Dans ce contexte, la rénovation est aujourd’hui une priorité transversale, au niveau national comme Européen, avec un impact attendu à la fois sur les plans environnementaux, sociaux et économiques. L’urgence écologique est souvent mise en avant alors que le bâtiment représente 36% des émissions de GES en Europe et que la France compte plus de 5 millions de passoires énergétiques… la question du confort thermique est également incontournable alors que 50% de l’énergie finale consommée en Europe est destinée à la production de chaud et de froid. La qualité de l’air est aussi au cœur des préoccupations, l’OMS estimant à 100 000 le nombre de décès prématurés causés par un habitat de mauvaise qualité chaque année en Europe. Enfin, sur le plan économique, le secteur de la rénovation pourrait représenter une réserve d’emploi comprise entre 760 000 et 1 480 000 postes en Europe en fonction de l’importance des investissements.
Vers une RenovTech ?
Les besoins de rénovations sont tels qu’il est aujourd’hui impératif d’accélérer les diagnostics environnementaux et la conception des plans de rénovation. Dans ce contexte, l’intelligence artificielle pourrait se révéler une alliée efficace. C’est l’objectif du consortium RENOVAITE (Leonard – VINCI – Groupe Action Logement – laboratoire OFFIS – ALEIA) qui va s’appuyer sur les données liées à la construction (BIM – Satellite, photogrammétrie, etc…) et des solutions d’IA afin de proposer des solutions interopérables au services de la rénovation.
Le BIM offre aussi de belles perspectives en matière d’aide à la rénovation. Exemples en images avec le travail de capture réalisé à la Villa Majorelle (Nancy), symbole de l’architecture Art Nouveau en France.
Les séductions du Low-Tech, biosourcé, hors-site…
La rénovation énergétique est réputée coûteuse. Pour surmonter cet obstacle, des solutions légères se développent. Le projet 2nd SKIN, mené conjointement par l’Université technologique de Delft et la startup BIK bouw propose une seconde peau low-cost dont la pose est peu invasive pour le bâtiment. Testée sur douze logements, la technologie permet une économie de 8 059 kg d’équivalent CO2 par an et par domicile.
Les secondes peaux biosourcées et assemblées hors-site ont également conquis le jury d’EnergieSprong, un programme dédié au passage à l’échelle des solutions de rénovation “zéro énergie”. Parmi elle, ActivPaille propose des panneaux à base de paille compressée, un matériau particulièrement isolant. Element’r propose quant à elle des modules à ossature métallique. Quant au coup de cœur du jury, le “Manteau dynamique climatique”, il combine menuiseries pariétodynamiques, isolation en paille et panneaux aérovoltaïques !
Développée au sein du groupe VINCI, la solution Rehaskeen à quant à elle recours à une fabrication hors site des façades et à un système de pose breveté ultra rapide. Objectifs ? Garantir un chantier plus court et des nuisances réduites pour les usagers durant les travaux.
Les grandes ambitions des acteurs publics
Au niveau européen, la volonté politique semble réelle, et les ambitions élevées. Dans le cadre du Green Deal et des propositions “Fit for 55”, l’Union fixe comme objectif que la totalité des bâtiments neufs soient zéro émission d’ici 2030. En termes de rénovation, l’ambition est de rénover les 15% des bâtiments les moins performants en termes de consommation énergétique. Ces derniers devront obtenir au moins la note “F” au diagnostic de performance énergétique. “Nous devons agir en urgence, car plus de 85% des bâtiments qui existent aujourd’hui seront toujours debout en 2050, date à laquelle l’Europe devra être neutre en carbone”, explique Kadri Simson, membre de la Commission européenne chargée de l’énergie.
L’incitation à la rénovation s’incarne dans une large gamme de dispositifs :
Au niveau Français, le plan “Habiter la France de demain” propose MaPrimeRenov aux particuliers. Dans le même temps, France Relance prévoit 4 milliards d’euros pour la rénovation du parc immobilier de l’État. A titre d’exemple, cela représente 61 000 édifices pour le seul secteur de l’éducation.
En Europe, des projets comme Rezbuild (dont l’ambition est de favoriser les logiques d’écosystème au niveau Européen), BUILD UPON², (qui a pour objectif de proposer un “cadre d’analyse” aux villes européennes afin de mesurer l’efficacité de leur politique de rénovation), SHEERenov (qui accompagne le gouvernement Bulgare dans la planification de la rénovation) ou RenOnBill (Qui propose des logiques de financement innovantes) cherchent à structurer un écosystème dédié à la rénovation.
Un rapide coup d’œil à la base de données des “policies” de l’IEA sur la rénovation permet de constater que l’immense majorité des mesures prises pour la rénovation se concentre aujourd’hui en Europe.
Attention à l’effet rebond !
Au-delà des aspects techniques et méthodologiques, la dimension comportementale reste fondamentale lorsque l’on cherche à mesurer l’impact environnemental des efforts de rénovation. En Allemagne par exemple, malgré des investissements importants, la consommation des bâtiments reste stable. On parle d’effet rebond : lorsque l’isolation est efficace, les habitants d’un logement vont privilégier le confort, et chauffer à une température plus élevée…
En images : la seconde vie des espaces industriels
L’énergie et le confort ne sont pas les seuls intérêts de la rénovation. En limitant l’utilisation d’espaces par des constructions neuves, elle s’inscrit dans le cadre de la politique de “Zéro artificialisation nette”. En France, le Fonds friches – doté de 750 millions d’euros – devrait générer 3 400 000 m² de logements et plus de 1 600 000 m² de surfaces économiques sans artificialisation. Au niveau européen, le projet Ginkgo lancé en partenariat avec Edmond de Rothschild poursuit les mêmes ambitions.
L’occasion de revenir sur certaines des plus belles réhabilitations industrielles de ces dernières années :
Kraanspoor à Amsterdam, construit sur un ancien rail de grue portuaire.
Le Carreau du Temple à Paris, ancien marché couvert
Coal Drops Yard à Londres, ancienne infrastructure ferroviaire
Formation : faire entrer la rénovation dans la culture du bâtiment
La question des compétences est centrale afin de faire émerger une culture de la rénovation encore largement lacunaire dans le secteur du bâtiment.
Hébergée chez Leonard, La Solive propose des parcours de reconversion professionnelle pratiques et intensifs pour former des experts en systèmes de chauffage, en isolation ou des chefs de projet en rénovation énergétique. Qualifiantes et certifiées, les formations débouchent sur 100% d’embauche dans un contexte de pénurie de talent. Des orientations similaires commencent à émerger à l’AFPA ou chez Le Moniteur.
Technique, sociétal, politique et culturel : le sujet de la rénovation du bâti touche aussi bien au sujet de la fin du monde qu’à celui de la fin du mois. Il concerne les particuliers, les institutions et les professionnels, demande un élan collectif et “l’ancrage de cette culture de la rénovation dans notre modèle national”, selon les termes de Barbara Pompili, Ministre française de la transition écologique.
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