Quand les villes préparent la montée des eaux

Alimentée par le changement climatique, la montée des eaux semble inéluctable. Au-delà d'une prise de conscience écologique globale, les villes peuvent-elles agir pragmatiquement face au phénomène ? Un peu partout dans le monde, la résistance s’organise et transforme la façon dont on conçoit et opère villes et infrastructures.

Montée des eaux et villes

Ces dernières années, inondations, érosion côtière, tempêtes et ouragans ont échaudé de nombreuses municipalités sur le thème de leur « résilience climatique », les poussant à renforcer la capacité de leurs infrastructures à résister à ces chocs. Mais ces événements sont aussi autant de manifestations contemporaines d’un dérèglement climatique qui prend également la forme d’un phénomène plus global : celui de la montée du niveau moyen de la mer. Évalué par le dernier rapport du GIEC entre +26 et +77 cm à l’horizon 2100 selon le scénario le plus optimiste– voire plus encore si le fameux objectif du « +1,5°C » n’était pas tenu, ce qui est le plus probable –, ce phénomène accroît encore le risque encouru. Surtout, les assureurs rapportent une « sinistralité climatique » qui a atteint des sommets en 2018 dans l’Hexagone. Et l’on attend une facture encore deux fois plus conséquente d’ici 2040.

 

Qui supportera le poids économique de la montée des eaux ?

De New York à Miami, de Bangkok à Calcutta, en passant par Lagos ou Jakarta, ce risque, comme le montrait déjà il y a quelques années l’OCDE, deviendra de plus en plus critique pour les villes côtières, petites ou grandes, lesquelles hébergent d’ores et déjà un quart de la population mondiale. Et, outre les phénomènes climatiques en eux-mêmes, croissance démographique et croissance urbaine n’amélioreront pas leur sort.

Face à la la menace, les territoires s’organisent pour relever leur capacité à résister et à s’adapter aux chocs. Mais encore faut-il trouver des financements. De nombreuses organisations, comme le Deep South Challenge néo-zélandais, ont commencé à réfléchir au sujet, et particulièrement au rôle que pourraient endosser les compagnies d’assurance. Dans les zones très exposées à l’élévation du niveau de la mer, une forte pression s’exerce déjà sur les fonds nécessaires pour couvrir et compenser les risques liés aux aléas climatiques. Les assureurs deviennent plus sélectifs sur les types de risques couverts, et poussent de plus en plus de personnes à s’assurer. Le marché immobilier est lui aussi amené à s’adapter, bien que plus habitué à intégrer le risque climatique dans son business-as-usual, tout comme les politiques publiques, qui se doivent de protéger les populations les plus vulnérables. En France, dans la Normandie de l’après-Xynthia, s’est déjà mis en œuvre un vaste (et coûteux) éventail de mesures de renforcement des protections via le Plan de prévention des risques littoraux.

 

Innovation et sensibilisation comme réponses à la quête de résilience des infrastructures

Et en matière d’infrastructure, à quoi ressemblent les solutions en elles-mêmes ? Comme le synthétise le récent panorama “Emerging Trend” de Leonard sur le sujet, elles s’imaginent sur deux principaux axes : celui de l’atténuation (éviter ou amoindrir les effets d’événements a priori ingérables) et celui de l’adaptation (gérer au mieux ces situations inévitables : renforcer des protections telles que les digues, ne plus bâtir en zone inondable, aménager des habitats faits pour résister aux aléas climatiques ou planifier ex ante la reconstruction). D’un point de vue technique, comme le suggère l’Island Institute, l’amélioration du bâti par des approches traditionnelles (murs de rétention, élévation de niveaux, augmentation du diamètre des conduits) ne suffit pas, et la recherche de solutions innovantes s’avère bien souvent déterminante. C’est dans ce but que le bureau d’étude Resallience a été créé en 2018, afin d’adapter les projets, les infrastructures et leurs usages au changement climatique.

En Europe, Rotterdam est l’une des capitales de la résilience. Le premier port du continent a développé une stratégie visant à l’assurer de devenir « climate-proof » à horizon 2025. Et, contrairement à la protection que constitue son impressionnant barrage anti-tempête construit dès 1997, la ville a changé de paradigme : elle cherche désormais à « faire avec » son environnement, comme le suggère son iconique « ferme flottante » construite sur flotteurs, prémisse à tout un quartier flottant. À San Francisco, la paysagiste Kristina Hill propose également, pour adapter la Bay Area à la montée des eaux, des logements sur des fondations « empilées », se servant des zones humides et des plages comme zones-tampon. Son message : les infrastructures doivent s’adapter aux systèmes vivants et non l’inverse. Cela permet, au passage, d’aligner les intérêts des développeurs immobiliers et des environnementalistes…

L’innovation, pour ce faire, paraît incontournable : dans le domaine de l’aménagement urbain, dans les audaces architecturales (voir, à Belfast, les persiennes pivotantes et les matériaux résistant à l’eau), mais aussi dans la protection des infrastructures routières (chaussée réservoir d’Eurovia), le conseil à l’adaptation du bâti existant, dans la reconstruction (maisons « en kit » de Logelis) ou encore dans la supervision proactive des bâtiments et infrastructures (Sixense).

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