Que nous apprennent les licenciements d’Airbnb ?

L’équipe de Leonard anime des travaux de prospective autour de thématiques clés pour les secteurs de la construction, des mobilités, des énergies et de l’immobilier. Ce travail de diagnostic des tendances transformatrices de ces métiers et de construction de scénarios pour les métiers de VINCI se nourrit notamment d’une analyse régulière de l’actualité, que nous partagerons désormais régulièrement avec vous dans chaque newsletter. Nous vous proposons cette semaine notre lecture de l’impact de la crise sanitaire sur les entreprises et les modèles d’activité dits “as a service”, qu’explore Leonard depuis plusieurs mois.

Le champion de la location à courte durée n’a pas été épargné par la crise du Coronavirus. Uber, Lyft, Lime Airbnb, cette dernière semble avoir fait trembler les plus grands acteurs de l’économie du partage. Jusqu’à remettre en cause leur modèle ?

L’annonce de la vague du licenciement du quart de la masse salariale d’Airbnb, près de 1900 salariés, a donc fait figure de prévisible drame. En cause, la chute du tourisme a fait s’effondrer le nombre de locations et par extension les revenus. Le groupe s’est donc résigné à renoncer à l’essentiel de ses nouveaux projets, comme entrer dans le marché du transport et de l’hôtellerie classique, ainsi que réduire un grand nombre de services premium.

Pour autant, un autre élément n’est pas à négliger. Face à la crise du Coronavirus, AirBnb a mis en place des règles pour les annulations sur la période du confinement. C’est un coup de tonnerre pour les propriétaires, eux-aussi clients de la plateforme, qui pouvaient gérer les conditions d’annulation à leur guise. Là où la plupart d’entre eux voulaient prévoir des reports de location, Airbnb a préféré un remboursement sans frais. La perte pour les propriétaires est colossale, estimée à un milliard de dollar, qu’Airbnb ne compense que d’un quart par un fond d’exception. Quand Airbnb change les règles de sa plateforme sans concertation, elle expose les fragilités de son modèle. D’un simple intermédiaire et facilitateur, l’entreprise devient véritable organisatrice, au dépend des propriétaires. Or la structure des parties prenantes a été grandement modifiée depuis sa création : deux tiers des Américains offrant des logements entiers gèrent au moins deux propriétés. Airbnb n’est plus un simple revenu complémentaire, mais un investissement financier en tant que tel.

La crise menace donc de rompre le fragile équilibre entre plateformes, usagers et offreurs. Ces derniers se sont lancés dans un bras de fer juridique avec la firme, dont le résultat risque bien de délimiter les prérogatives des plateformes. D’ores et déjà, des propriétaires vendent leur logement dédié à la location Airbnb, ce qui risque de ne pas être un phénomène isolé tant les marges de manœuvres financières de certains loueurs professionnels semblent faibles. Certains cherchent à migrer sur d’autres plateformes, mais les effets de réseaux d’Airbnb sont si imposant qu’il semble difficile d’imaginer un challenger sérieux à ce stade, surtout après les solides garanties qu’AirBnb a donné aux usagers. Finalement, la fragilité de ces modèles de plateformes, reposant sur des particuliers pour financer et entretenir les actifs, est menacée dans un monde à l’incertitude grandissante.

Si la vaste majorité des modèles As a service se sont montrés résilients lors de la crise du Coronavirus, notamment grâce aux services utilisant le cloud – Zoom, Netflix…, ce n’est pas le cas des modèles de plateformes de mise en relation d’offreurs et demandeurs. Airbnb n’est pas un cas isolé : Uber, Lyft ou encore Lime ont connu des plans de départ similaires. Pour cause, ces modèles sont encore peu rentables et ont des revenus très volatils, le tout dans des secteurs souvent exposés par la crise – micro mobilité, tourisme. Ils ont aussi dû aider leurs parties prenantes à l’aide de fonds de soutien. Néanmoins, ce n’est pas un hasard si ces modèles ont fleuri après 2008. Ils promettent à des particuliers des revenus particulièrement bienvenues en temps de crise, sont capables de monter en puissance très vite sans investissement et bénéficient d’effets réseaux colossaux qui leur donnent une position dominante sur leur marché. Si la crise s’est souvent traduite par un recentrement sur les activités historiques de ces firmes, nous n’avons pas entendu leur dernier mot.

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