Quels modèles économiques pour les infrastructures de mobilité électrique ?

Bornes de recharge, routes électriques… Quels sont les financements pour les infrastructures de mobilité électrique ? Dans ce marché émergent, quels modèles économiques se mettent en place ?

Un réseau borné

Alors que la France s’est donné un objectif de neutralité carbone tous secteurs confondus d’ici 2050, la décarbonation des mobilités est – avec le bâtiment – une priorité nationale. Depuis les grenelles de l’environnement en 2009 et 2010, le gouvernement soutient activement le développement d’un marché du véhicule électrique. Pour cela, il a développé des incitations à l’achat de véhicules électriques, puis des aides à la création d’un réseau d’infrastructures de recharge.

En France, le réseau s’est principalement développé autour des bornes de recharge. Le parc compte aujourd’hui près de 30.000 bornes, installées sur la voirie, en parking privatif, sur des axes autoroutiers, des grandes surfaces etc. D’autres alternatives comme la recharge dynamique (pendant que le véhicule roule) ou les échanges de batterie sont en cours d’expérimentation mais n’ont pas la maturité du système de bornes et ne bénéficient pas du même soutien.

 

Les trois piliers

Le financement des bornes de recharge s’est élaboré autour de trois aides. Le crédit d’impôt transition énergétique (CITE) entend encourager les particuliers à s’équiper à domicile, prioritairement en habitat pavillonnaire ou en immeuble collectif équipé d’un parking. Opéré par l’ADEME, le programme d’investissements d’avenir (PIA) s’adresse aux collectivités. Principal vecteur de déploiement en France, il finance la construction d’infrastructures ouvertes au public et a permis la mise en place de 22.000 points de charge. À ces aides s’est ajouté en 2016 le programme Advenir, qui est financé par les certificats d’économies d’énergie et a été efficace au déploiement sur les parkings d’entreprises.

L’Europe n’est pas en reste, elle soutient également le financement d’infrastructures via son programme Connecting Europe Facility (CEF) qui a notamment bénéficié aux projets de bornes à très haute puissance MEGA-E et Europ-E. De leur côté, des constructeurs automobiles (Renault, Nissan, Tesla), la grande distribution (Ikea, Leroy Merlin, E.Leclerc) et les énergéticiens (EDF via Izivia) contribuent à développer le réseau.

 

Un modèle économique précaire

Plusieurs modèles économiques coexistent et ce qui contribue – notamment avec la multiplication des plateformes numériques de paiement – à détériorer l’expérience utilisateur. En effet, en plus de l’abonnement annuel, la tarification en borne peut s’effectuer en fonction de la puissance électrique consommée, de la durée de charge ou de la durée d’occupation de l’emplacement (afin d’éviter le phénomène de stationnement « ventouse »). Il existe aussi des offres forfaitaires ou gratuites. L’efficacité de ces différents modes de tarifications dépend beaucoup de la puissance de charge, qui varie de quelques minutes à plusieurs heures.

D’après l’enquête de terrain réalisée par Coda Stratégies pour le ministère de l’environnement en juillet 2019, la plupart des acteurs privés et publics admettent ne pas avoir trouvé leur modèle économique. « Entre les infrastructures et les véhicules, il y a une forme de dilemme du prisonnier, analyse Pierre Delaigue, directeur des projets de mobilité autonome, connectée et électrique chez Leonard. Ce qui peut ralentir la rentabilité économique des acteurs du réseau de charge, c’est le nombre de véhicules. » 

Dans une note sur l’économie des infrastructures de recharge de 2019, Capgemini évalue les caractéristiques de plusieurs modèles alternatifs. Parmi eux, le V2X (vehicle to everything) semble parmi les plus prometteurs : il permet au véhicule de redistribuer l’électricité vers les infrastructures, les logements, les piétons ou le réseau électrique lui-même, lorsque la demande est forte. Ce concept de recharge bidirectionnelle démultiplie les opportunités commerciales, à condition de maîtriser l’expertise et le management digital. La tarification indirecte ou la recharge intelligente font également partie des modèles à surveiller.

 

Demain, la massification

Dans son plan de relance, le gouvernement a annoncé vouloir porter à 100 000 le nombre de bornes de recharge en France d’ici fin 2021. Pour Pierre Delaigue, « cela peut débloquer la situation : l’investissement dans le réseau peut-être un élément déclencheur d’achat et permettre la massification du parc de véhicules électriques ».

À lire les recommandations du rapport de 2019, des actions réglementaires peuvent être prises immédiatement pour fluidifier le développement du réseau et améliorer son attractivité. C’est le cas pour la recharge “à la demande”, particulièrement efficace à Amsterdam, qui permet à la collectivité de déclencher l’installation d’une borne sur demande d’un particulier et lorsque les besoins le justifient. En Norvège et au Japon, l’accompagnement soutenu des copropriétés et la sensibilisation des syndics est également un vecteur d’accélération important.

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