“L’amélioration de l’activité est particulièrement nette dans les secteurs de la construction, de la fabrication de biens d’équipements et d’autres produits industriels”. Si l’on en croit la dernière étude de la DARES, parue le 20 mai, le bâtiment fait partie des secteurs pour lesquels la reprise est la plus dynamique. Une bonne nouvelle à première vue, qu’il convient cependant de relativiser tant les défis liés au déconfinement et aux nouvelles mesures sanitaires s’annoncent complexes.
Dès la fin du mois de mars, la FNTP estimait que 80% des chantiers étaient à l’arrêt en France. Depuis, ils rouvrent, mais en ordre dispersé, comme nous l’évoquions dans notre article “Covid-19 et chantiers : grand bazar et impérieuses métamorphoses” le mois dernier. Il faut dire que les enjeux sont nombreux : gestion des personnes à risque, réorganisation du travail, nouveaux modes de management, développement de dispositifs de signalétique… Autant d’adaptations qui représentent un nouveau défi sanitaire, alors que le secteur du bâtiment a considérablement musclé ses mesures de santé et de sécurité au travail au cours de la dernière décennie. Sur les 10 dernières années, les mesures de prévention ont ainsi permis, selon la Caisse Nationale de L’Assurance Maladie, de faire reculer le nombre d’accidents du travail de 29%. L’enjeu est donc de continuer à limiter les risques pour les compagnons dans un contexte de coronavirus. Et pour y parvenir, de nombreuses start-up sont déjà sur le front.
Chez Leonard, nous identifions sélectionnons et accompagnons les solutions transformatrices de l’offre et des métiers dans les domaines de la construction, de l’énergie, de la mobilité et de l’immobilier. Ces dernières semaines, nous avons orienté notre travail d’exploration en identifiant des propositions de valeur de start-up, scale-up ou PME utiles à relever le défi de la reprise des chantiers en toute sécurité. Nous en partageons ici les principales observations. Deux axes, notamment, ont retenu notre attention : la distanciation physique sur les chantiers et les opérations et maintenance à distance.
DISTANCIATION PHYSIQUE
Dans son guide de préconisation de sécurité sanitaire paru il y a quelques semaines, l’OPPBTP place le respect de la distance minimale d’un mètre entre les compagnons en tête des consignes générales. Une consigne aussi impérative que difficile à mettre en oeuvre dans un contexte de chantier. Afin de mieux identifier les risques de proximité, la start-up Smartvid.io développe une solution d’analyse et de reconnaissance d’images assistée par une intelligence artificielle. En recueillant et en traitant les images prises par des caméras ou des smartphones, la start-up membre du programme CATALYST de Leonard est ainsi capable de générer des alertes.
Autre approche : certaines entreprises misent sur l’équipement des travailleurs pour les aider à maintenir les bonnes distances en temps réel. C’est le cas de Ottogee, basée aux États-Unis, et de sa technologie PACT (Proximity Alert and Contact Tracing). Cette solution repose sur le port d’un bracelet connecté qui prévient les travailleurs par une vibration s’ils s’approchent trop les uns des autres. Si leur contact se prolonge, leurs mouvements et leurs interactions sont retracées et analysées afin d’éviter l’éventuelle propagation du virus. Dans la même veine, la société belge Rombit a ajouté ces dernières semaines de nouvelles fonctionnalités à sa technologie existante, le Romware ONE. Ce bracelet, initialement conçu dans une optique de prévention des accidents de travail et de productivité (détection des accidents et des collisions, prévention de l’isolement des travailleurs, certifications…) permet dorénavant un maintien des distances en temps réel grâce à des signaux sonores, et un traçage précis des travailleurs. Ubudu, entreprise déjà experte des solutions de localisation depuis 2011, a également fait évoluer sa technologie et propose aujourd’hui le Ubudu Social Distancing Assistant (SDA). Actuellement en déploiement par VINCI Autoroutes, la technologie de Ubudu connecte des boîtiers portables dont chaque travailleur est équipé, et qui permettent d’être informé en temps-réel du respect des distances physiques. Enfin, la start-up Wakecap propose des casques de chantiers connectés, capables de collecter et de traiter en temps réel des données liées à la localisation des travailleurs et ainsi d’identifier d’éventuelles chaînes de transmissions.
OPÉRATIONS À DISTANCE
Au delà de ces solutions, un des leviers majeurs pour permettre le respect des gestes barrières est évidemment de réduire le nombre de personnes présentes sur les chantiers. Le travail à distance, qui était déjà un enjeu majeur du secteur de la construction avant la crise du Covid-19, est en ce sens amené à se développer. En France, la start-up ViiBE développe depuis 3 ans des solutions visant à réduire les déplacements des professionnels. Dans le contexte actuel, leur proposition de valeur se voit renouvelée. Sans télécharger aucune application, ViiBE permet de mettre en contact vidéo un technicien sur site et un expert qui en est éloigné. L’objectif ? Réduire le temps d’intervention et les déplacements des experts, et ainsi limiter les risques de propagation du virus. HoloBuilder, start-up fondée en 2016 et elle aussi membre du programme CATALYST, propose dans la même veine des prises de vues à 360° qui permettent le suivi à distance de l’avancée des chantiers. Sensat, start-up fondée en 2015 et implantée à Londres, s’appuie elle sur des prises d’images par drones pour aider les entreprises à gérer leurs chantiers sans avoir à s’y rendre.
Ces outils, en permettant le pilotage et la collaboration à distance, sont à même de rendre possible et d’accélérer la reprise du secteur de la construction. Ce qui était jusqu’ici un levier de productivité est ainsi devenu en quelques semaines un outil essentiel dans la lutte contre la propagation du virus, et une illustration de ce que pourra être la gestion des chantiers demain.