Le changement climatique expose les villes et leurs habitants à une transformation sans précédent de l’intensité et de la fréquence des phénomènes météorologiques. Les territoires comme le secteur du bâtiment doivent s’adapter pour éviter de subir les coûts humains et financiers de ces catastrophes. La problématique n’est pas nouvelle : elle a été analysée par La Fabrique de la Cité au sein de son rapport sur la résilience urbaine, et le groupe de prospective de Leonard a produit un Emerging Trends donnant des pistes pour penser et construire des infrastructures résilientes au risque climatique. Pour prolonger ces réflexions, Leonard réunissait mardi 12 février les porteurs d’un échantillon de solutions innovantes qui préparent les territoires et les infrastructures aux chocs à venir.
Retrouvez l’intégralité des échanges et des présentations en vidéo :
Les défis du changement climatique
Actuellement troisième au baromètre des risques émergents publié par la Fédération française des assurances, les risques climatiques constitueront d’ici 5 ans le deuxième enjeu majeur de notre époque, juste derrière la cybersécurité. Selon Louis-Rémy Pinault, expert développement stratégique chez Generali, les sinistres pourraient doubler d’ici 2050 pour atteindre 92 milliards d’euros, en touchant avant tout les particuliers (70%). Trois facteurs concourent à cette tendance :
- les signes du changement climatique, caractérisé par la montée en intensité et en fréquence des catastrophes dans les zones habitées ;
- l’accroissement global des richesses, qui augmente de fait le montant des sinistres ;
- l’aménagement de zones à risque (dans des zones inondables, en bord de mer ou en lisière de forêt).
Louis-Rémy Pinault plaide pour un changement de posture des professionnels de l’aménagement, qui doivent se familiariser avec le risque pour mieux prévenir les crises à venir. Une vision partagée par Clément Jacquemard, directeur des ressources techniques et opérationnelles chez VINCI Construction France, pour qui la notion de résilience climatique doit être intégrée dès la phase de conception des bâtiments. Se projeter vers un horizon lointain pour intégrer les risques futurs d’un site (en préfigurant par exemple les potentielles inondations dans l’aménagement d’un parking souterrain), ou travailler sur les coûts de maintenance constituent autant de pistes pour améliorer la résilience d’un projet.
Il faudra toutefois doubler ces efforts d’un travail d’acculturation des utilisateurs ; si les bâtiments sont résilients, les futurs usagers seront-ils pour autant prêt à concéder des aménagements dont le confort ne serait pas le principal déterminant ?
Analyse et prévention, maîtres mots de la résilience climatique
En deuxième partie, Leonard donnait la parole à des porteurs de solutions qui oeuvrent pour mieux comprendre et anticiper les potentiels chocs à venir.
Karim Selouane, intrapreneur du Groupe VINCI accompagné par Leonard depuis 2017, a présenté Resallience, solution de conseil et de diagnostic, de modélisation et de pilotage de projets. Associé notamment à Predict (filiale de Météo France), Resallience peut anticiper et proposer des scénarios prédictifs à court et long termes pour un aménagement urbain optimisé en fonction des risques climatiques.
Climate City, présenté par son fondateur Laurent Husson, aide aussi les villes à s’adapter au changement climatique en proposant un suivi, cette fois en temps réel, de différents indicateurs essentiels à l’anticipation des épisodes de pollutions, des catastrophes naturelles et des îlots de chaleur urbains. Son instrument de mesure ? Les “Climate Birds”, un réseau de drones et de ballons captifs volant de manière pérenne autour des villes pour collecter des données locales inédites. Un bon moyen d’obtenir une analyse fine de son environnement, pour proposer des solutions adaptées aux problématiques de chaque territoire.
L’urbanisme résilient se dessine entre méthodes d’aménagement et projets low-tech
Pas besoin toutefois de recourir à une technologie pointue pour rendre les villes plus résilientes ! Cool Roof propose ainsi une solution résolument low-tech, mais efficace, pour lutter contre les îlots de chaleur urbain : repeindre en blanc les toits des bâtiments à l’aide d’une peinture réflective augmentant l’albédo des zones urbaines. Déjà expérimentée sur deux bâtiments des 10e et 12e arrondissements de Paris, cette solution a fait ses preuves, abaissant jusqu’à 15°C les températures ressenties à l’intérieur de ces bâtiments.
Les solutions résilientes font aussi leurs preuves sur le terrain. L’Urban Lab de Paris&Co, représenté par Marion Apaire, l’a bien compris en lançant en 2017 l’appel à expérimentations “Adaptation au Changement Climatique”, duquel sont issues deux concepts innovants : Bocage Urbain, lancé par la designer Elodie Stephan, et Lisière de Tierce Forêt du cabinet d’architectes Fieldwork. Le premier propose un aménagement modulaire capable de gérer les eaux de pluie pour prévenir le risque d’inondation, tout en réintroduisant du végétal en milieu urbain. Lisière d’une Tierce Forêt s’est quant à lui attelé à la transformation d’un parking en espace extérieur végétalisé, avec un choix judicieux de revêtement de sol pour atténuer efficacement l’effet d’îlot de chaleur urbain en favorisant l’évapotranspiration.
La réduction des risques pour les territoires et les infrastructures se fera sans aucun doute par la mobilisation d’aménagements locaux malins, mais aussi de méthodes d’ingénierie et de conception “résilientes by design”, d’instruments de mesure pointus, et de technologies performantes.