Résister, s’adapter : voici la ville résiliente

Le concept de résilience s’applique aussi aux villes, des territoires particulièrement exposés au changement climatique et aux effets négatifs de la concentration démographique. Des chocs chroniques et futurs que les infrastructures urbaines et les politiques publiques peuvent contribuer à préparer et à absorber.

 

Ce sont les autres victimes des chocs de la vie qui peuvent frapper les habitants des villes dans des conditions souvent tragiques : les infrastructures urbaines. Chargée au sein de la Chaire VINCI-ParisTech d’éco-conception de travaux prospectifs sur la résilience, Lorène Dumeaux a pu évaluer le coût des dernières grandes catastrophes naturelles en milieu urbain. « Ces catastrophes ont de multiples répercussions démographiques, sociales et économiques mais le tiers de la facture globale provoquée par l’ouragan Katrina en 2005 aux Etats-Unis a porté sur les infrastructures, explique-t-elle en préambule. La résilience climatique doit passer par l’adaptation des villes aux risques pour se protéger contre les aléas et atténuer les chocs. »

Le concept de résilience se traduit donc aussi à l’échelle des villes pour repenser le fonctionnement de la vie urbaine, imaginer des infrastructures plus protectrices et faire émerger de nouvelles solidarités. Leonard:Paris avait convié pour le festival Building Beyond trois spécialistes pour développer cette nécessaire entrée en résistance : Sébastien Maire, Haut responsable à la résilience de la Ville de Paris, Chloë Voisin-Bormuth, responsable des études et de la recherche à la Fabrique de la cité et Karim Selouane, intrapreneur de VINCI dont le projet « Resallience » est accompagné par Leonard.

 

Retrouvez l’intégralité de notre conférence en vidéo : 

 

Des stratégies transversales et transgénérationnelles

L’occasion de prendre le pouls des multiples initiatives prises dans le monde pour donner corps au concept de résilience urbaine même si, comme le rappelle Sébastien Maire, « il s’agit davantage de s’inspirer que de copier-coller ce qui se fait ailleurs car chaque territoire est unique. » Dans tous les cas, les stratégies reposent toujours sur les trois mêmes piliers : les habitants, les infrastructures et le mode de gouvernance. Paris fut une des premières métropoles mondiales à adopter dès 2015 une stratégie dite « d’adaptation » aux risques encourus. « L’objectif est de construire des politiques publiques transversales qui nous protègent des chocs de demain mais aussi d’aujourd’hui, présente Sébastien Maire. Une même solution doit faire face à plusieurs problèmes, des risques chroniques comme la pollution de l’air et l’insalubrité et des risques probables comme les crues ou le terrorisme. »

Sébastien Maire prend l’exemple du projet « Oasis » qui sera testé dès septembre à Paris dans trois établissements scolaires pilotes. « Nous souhaitons transformer les cours d’écoles en oasis pour lutter à la fois contre l’isolement et contre la canicule tout en sensibilisant les élèves aux questions environnementales, développe-t-il. On y installera une fontaine, des jardins pédagogiques et un enrobé écologique en partie végétal qui remplacera le bitume. Le soir et le week-end, les cours d’école pourront ainsi être converties en espaces de fraîcheur ouverts à tous en cas de fortes chaleurs, ce qui permettra aussi de resserrer le lien social avec les personnes les plus vulnérables. »

Une initiative résiliente aux multiples bénéfices, actuels et futurs, que Chloë Voisin-Bormuth rapproche de la politique de la ville d’Hambourg lors la crise migratoire. « La municipalité a non seulement répondu à l’urgence de la crise en l’ancrant immédiatement dans une stratégie de long terme (créer des logements et dispenser des cours de longue pour favoriser l’intégration des migrants dans la société allemande) ; mais elle a aussi  compris que cette crise conjoncturelle en révélait une autre, structurelle cette fois, celle d’une pénurie de logement abordable à destination de toute la population. Elle a ainsi adopté une stratégie de long terme pour en augmenter le stock et pour redéfinir l’ensemble des typologies de logements proposés sur le marché pour qu’ils correspondent aux nouveaux modes de vie, explique-t-elle. Hambourg est un excellent exemple de ce qu’une pensée systémique comme la résilience peut apporter pour relever des défis complexes et fédérer les acteurs autour d’un projet commun. »

 

« Faire face à l’incertitude »

Un point sensible est alors d’identifier les enjeux futurs de la ville résiliente et de ses habitants. « En ce qui concerne les effets du changement climatique, nous sommes dans une logique qui implique déjà les générations actuelles ». Les risques propres au changement climatique sont aussi une opportunité de développer des services innovants, comme le démontre Karim Selouane avec son projet « Résallience », une offre de services globale conçue pour établir des diagnostics de résilience sur les infrastructures et les territoires afin de modéliser des solutions d’adaptation.

 

Toute innovante qu’elle soit, la technologie ne pourra pourtant pas protéger totalement les villes des risques. Une impuissance dans laquelle Chloë Voisin-Bormuth voit une force.  » La résilience ne consiste pas à prévoir toutes les situations de risques possibles et à planifier des mesures pour y faire, affirme Chloë Voisin-Bormuth. Bien au contraire. Avec la résilience, on abandonne l’illusion de pouvoir atteindre le risque zéro pour préférer se concentrer sur réduire la vulnérabilité de nos sociétés pour les rendre plus robustes face au choc – quel qu’il soit. La résilience permet ainsi de faire face à l’incertitude. »

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