Solaire : le photovoltaïque organique va-t-il changer la donne ?

En Chine et ailleurs, les capacités de production du photovoltaïque sont loin de plafonner. Gourmands en silicium et très rigides, les panneaux traditionnels voient poindre un concurrent bien différent, à la fois flexible et indépendant en métaux lourds : le photovoltaïque à base de cellules organiques.

Et si l’avenir du photovoltaïque se jouait en France dans l’usine d’un spécialiste de la chimie des encres et des technologies d’impression ? Depuis 10 ans, l’ETI nantaise Armor s’est en tout cas lancée dans un virage l’amenant à la conception et la production de films photovoltaïques organiques. L’industriel a annoncé en mars 2018 la mise en production du premier module photovoltaïque organique de 60 cm au monde. Avant de se lancer en fin d’année dans la R&D d’une technologie de production automatisée annonçant une industrialisation sur de gros volumes de ces modules. À terme, ce sont ainsi l’équivalent de « plusieurs gigawatts annuels » qui sont attendus par Armor, à mettre en regard des dizaines de gigawatts issus chaque année d’installations nouvelles. Armor attend des investissements de 100 millions d’euros afin de mettre sur pied des démonstrateurs, sous forme de centrales solaires mobiles et de lancer une production à grande échelle et compétitive. Le film solaire organique, bien plus adaptable et léger qu’un panneau, pourrait bien séduire les industriels du BTP, du transport, du mobilier urbain ou des infrastructures routières.

 

Dépendance au silicium et lutte contre la concurrence chinoise

De quoi amorcer une filière européenne du photovoltaïque ? On annonce en tout cas, depuis de nombreuses années, un avenir brillant au photovoltaïque organique, aussi baptisé OPV. En particulier afin de concurrencer le photovoltaïque le plus commun (90% du marché) : celui reposant sur le silicium. Dépendant de plusieurs métaux rares ou lourds ainsi que du silicium cristallin, le photovoltaïque traditionnel dépend de procédés de production onéreux, gourmands en investissements et incapables de répondre à lui tout seul aux besoins croissants.

À l’inverse, l’enduction est au coeur de l’OPV. Ce procédé consistant à traiter une surface par une couche protectrice, est tout particulièrement propice à l’industrialisation en série et à coût réduit. Les composés organiques des modules sont eux aussi bien moins chers que le silicium.

Venant surtout de Chine, qui maîtrise 60% de la production mondiale de panneaux photovoltaïques, la concurrence est féroce. Il est ainsi pour l’heure difficile de produire de grands modules solaires de manière compétitive en Europe. D’autant que pour le photovoltaïque résidentiel, l’argument de la qualité et de la garantie, qui justifierait un coût plus élevé, n’apparaît plus suffisant. En Allemagne et en Belgique, les entreprises tirent leur épingle du jeu sur le seul créneau de l’intégration des modules photovoltaïques au bâti. La donne pourrait toutefois changer : si la Chine possède une capacité installée égale à deux fois celle des Etats-Unis, elle revient désormais sur sa politique généreuse de subventions de ces installations, laissant tout un marché dans l’incertitude.

 

En quête de rendements

Le développement de l’OPV s’inscrit ainsi dans un contexte complexe, mais pourrait, par-delà la concurrence aux cellules photovoltaïques en silicium, créer de nouveaux marchés. Souple et flexible, l’OPV se tourne naturellement, outre les centrales solaires mobiles et les applications dans le BTP et le transport déjà évoquées, vers le marché des objets connectés : l’énergie basse consommation requise par ces derniers est parfaitement adaptée à la production en OPV – qui ne dépend pas du seul soleil, mais aussi de la lumière –, qui permet d’embarquer des microwatts suffisants pour des devices peu gourmands énergétiquement.

La question du rendement – nettement inférieur à l’heure actuelle dans l’OPV – et de la durée de vie reste néanmoins cruciale si l’on veut attendre une révolution technologique profonde. Les investissements en R&D de la part de nombreux laboratoires et industriels, sur de multiples technologies organiques, incite à l’optimisme et laisse déjà entrevoir des rendements s’approchant du photovoltaïque traditionnel, pour un coût de production d’électricité (en centime par kWh) légèrement inférieur au coût actuel. De quoi imaginer, d’après les médias américains, la coexistence complémentaire des deux technologies. Aux grands espaces ruraux ou maisons péri-urbaines équipées en cellules siliconées rigides et très efficientes (mais très coûteuses), l’OPV flexible et embarqué pourrait donc bien non pas se substituer, mais s’additionner.

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