En quoi la question de la donnée transforme-t-elle l’action publique urbaine ? Dans quelle mesure son émergence déstabilise-t-elle les organisations et les institutions existantes ? Quels sont les rapports entre acteurs publics et privés qui se jouent au travers de la mise en circulation de ces données ? Ne constituent-elles pas de nouvelles ressources pour la régulation des villes par les pouvoirs publics ?
Le nouvel « or noir » des territoires
À partir d’une enquête ethnographique menée au sein de la Métropole de Lyon, Antoine Courmont révèle, dans son dernier ouvrage « Quand la donnée arrive en ville. Open data et gouvernance urbaine », la chaîne de production et de valorisation des données territoriales, et analyse les recompositions de la gouvernance urbaine autour du nouvel « or noir » des territoires. Le livre se nourrit de la thèse de doctorat qu’a soutenu l’auteur en 2016 et ouvre le débat sur les manières dont les pouvoirs publics peuvent gouverner les données pour conserver la maîtrise du territoire à l’ère du numérique.
Pouvoirs publics et données, une longue histoire
Pour les observateurs de la façon dont les institutions appréhendent le numérique, la décennie 2010 restera celle de la mise en données du territoire. Antoine Courmont est revenu dans un premier temps sur les origines et les ressorts de la vague de l’open data dans les collectivités.
« Les pouvoirs publics, que ce soit au niveau de l’État national ou au niveau des collectivités locales, se sont toujours appuyés sur des données de différentes formes, de la statistique à la cartographie, pour gouverner leur population, acquérir une certaine légitimité pour mettre en oeuvre des politiques publiques et représenter des phénomènes sociaux. » — Antoine Courmont
Le déplacement du lieu de production des données épouse ainsi les glissements du pouvoir : d’un État centralisateur aux collectivités à la faveur du mouvement de décentralisation, puis vers des acteurs infra-nationaux, activistes déterminés à changer le regard sur le fait urbain ou entreprises qui endossent ainsi un nouveau pouvoir sur les usages de l’espace public.
Il est question, dans cet entretien animé par Matthieu Lerondeau, directeur de la communication et des communautés de Leonard, de la façon dont les données cristallisent rapports de pouvoir et représentations du territoire, de la nature doublement politique des données, des modalités de mise en œuvre de l’open data dans le secteur public, entre idéal de transparence et potentiel économique, et des conditions du dialogue qui se noue au sein et entre les organisations autour de ces objets de pouvoir.