Transformer les modèles d’affaire pour mieux construire la ville sur elle-même.

conférence recyclage urbain
Face à l’urgence environnementale et sous la pression réglementaire, la chaine de valeur immobilière se transforme pour freiner l’étalement urbain. Comment ? Avec quelles contraintes et quels outils ? Pour débattre de ces questions, Women in Proptech et Leonard réunissaient le 19 septembre 2023 un panel d'expertes.

La table-ronde « Recyclage urbain : innover pour accélérer » réunissait Hélène El Aïba, co-directrice générale de l’immobilier résidentiel de VINCI Immobilier, Marine Carrat, directrice innovation et développement durable d’Action Logement, Caroline Poulin, architecte urbaniste au sein de l’agence d’architecture L’AUC, Pauline Koch, fondatrice et CEO de Sitowie et Isabelle Ferry, Directrice Territoires et Ville au sein de Cerema. La modération était assurée par Sara Himmich, fondatrice de Women in Proptech.

Un chantier complexe et protéiforme

Soucieuse de répondre à l’objectif “Zéro artificialisation nette” fixé à l’horizon 2050, la filière immobilière multiplie les stratégies, les dispositifs et les actions pour enrayer l’étalement urbain. Une course à la sobriété qui passe par la réhabilitation, la réparation, le réemploi des bâtiments et de leurs espaces.

Usine désaffectées transformées en résidences, friches ferroviaires réhabilitées en espaces publics, tours de bureaux recyclées en résidences étudiantes, surélévation de bâtiments… Les solutions ne manquent pas. Mais, de l’aveu de tous les intervenants invités à débattre chez Leonard ce 19 septembre 2023, le recyclage urbain est un chantier complexe autant que protéiforme, impliquant des approches inédites et des technologies innovantes, engageant des expertises et des corps de métiers multiples.

Rentabilité et faisabilité

Fréquemment présentée comme une option prioritaire du recyclage urbain, la transformation de bureaux en logements est dans les faits souvent contrariée par la réalité des équations économiques locales, notamment dans les villes où la valeur immobilière du tertiaire est plus élevée que celle du logement.

Au critère de rentabilité viennent se greffer des contraintes de faisabilité technique. «Tout ce qui a été construit à partir des années quatre-vingt se prête plus difficilement à la transformation», a précisé Caroline Poulin, Architecte urbaniste, agence d’architecture l’AUC. Les trames de façade et de profondeur, par exemple peuvent rendre les immeubles de bureau inéligibles à une migration vers du logement.

«Même quand les valeurs immobilières du tertiaire et du résidentiel sont favorables, la configuration du bâti peut rendre la transformation plus coûteuse que la démolition. In fine, ce sont toujours les collectivités qui vont délivrer les permis. Le recyclage urbain est donc indissociable d’un double enjeu de rentabilité économique et de volonté politique », a développé Hélène El Aïba, co-directrice générale de l’immobilier résidentiel de VINCI Immobilier.

Et de rappeler que pour tout promoteur, chaque nouveau site urbain soulève plusieurs questions : Quelle est la demande des élus ? Entre le logement social, le logement étudiants, le coliving, l’immeuble de bureaux, quel type de projet s’avère le plus adapté aux spécificités du lieu et aux caractéristiques du bâti ? Y a-t-il des acheteurs et des financeurs ?

Les projets doivent également composer avec le paramètre juridique. «Qui finance le risque ? Il faut créer un cadre réglementaire précis. Car aujourd’hui, les assureurs ne nous suivent pas forcément sur ces sujets de recyclage urbain», a ajouté Marine Carrat, directrice innovation et développement durable d’Action Logement, première foncière européenne, dont l’ambition en tant que bailleur social est de créer 200 000 logements d’ici 2027.

Faciliter les coopérations

Dans cette conjonction de contraintes, la cohérence des projets résonne comme un impératif catégorique. L’ampleur et l’urgence des enjeux nécessitent une maîtrise et une articulation des innovations et appelle la coopération entre élus, promoteurs, startups, architectes, foncières et chercheurs.

Isabelle Ferry, Directrice Territoires et Ville au sein de Cerema, a insisté sur le souci des collectivités de parvenir à embarquer tous les acteurs de la chaine de valeur dans une dynamique de transformation vertueuse. «La validation des riverains et les habitants, notamment, constitue un prérequis aux projets de recyclage des zones commerciales, ces fameux symboles de la “France moche”. L’État a donné l’impulsion. Il faut maintenant créer de la désirabilité, adapter les offres de transport, faire travailler main dans la main les foncières et les copropriétés.»

Pour se construire, les synergies ont besoin de connaissances et de références communes. «L’accélération du recyclage renvoie à un énorme enjeu de structuration de la data», a insisté Pauline Koch, Fondatrice et CEO de Sitowie, jeune pousse dédiée l’accompagnement des porteurs de projets, qui travaille à la constitution d’une base de données techniques des actifs immobiliers. Partout, les outils se développent : Cartofriches, un inventaire national des friches, UrbanSimul, un logiciel d’évaluation et de cartographie des espaces potentiellement constructibles, tous deux créés par Cerema. Ou encore une technologie développée par Sitowie pout simuler le vieillissement des composants et calculer son impact sur la performance énergétique.

À l’heure où la limitation du développement urbain vers les espaces naturels et agricoles s’impose progressivement dans la réglementation, le recyclage de la ville est, aussi, une opportunité à saisir pour développer des technologies innovantes, inventer des coopérations et des modèles d’affaires inédits.

panel recyclage urbain

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