Transition écologique : « la croissance ne sera pas grise »

« La transition écologique des métiers, des villes et des territoires » : c’est sur un énoncé quasi-existentiel que le festival Building Beyond a accueilli Xavier Huillard,  le président-directeur général de VINCI. Avec lui, deux panélistes, l’économiste spécialiste du climat Christian de Perthuis et la directrice du LÉPAC (Laboratoire d'Études Prospectives et d'Analyses Cartographiques) Virginie Raisson. 

“L’entreprise fait partie de la solution”

Ouvrant la conférence, la géopolitologue a déployé un état des lieux alarmant mais lucide des défis de la planète. Covid, récession économique, crises politiques et bien sûr, crise environnementale. « Ces enjeux partagent une caractéristique, ils sont liés à notre modèle économique » souligne-t-elle, appelant à trouver des indicateurs qui prennent mieux en compte les impacts sur la biosphère.

Xavier Huillard se veut lui optimiste, bien que le bâtiment et la mobilité, au cœur des activités de VINCI, comptent parmi les secteurs les plus émissives en carbone. « Nous faisons partie du problème. Notre conviction est que l’on fait aussi partie de la solution. L’entreprise est une machine à résoudre les problèmes. »

 

Vers la performance globale

Pour l’industriel, la prise de conscience des acteurs économiques a eu lieu en très peu de temps et la mobilisation s’est vite enclenchée. Désormais, des groupes pétroliers s’engagent en faveur de la transition, incités même par les plus grands fonds d’investissement au monde, qui envoient chaque année des lettres de recommandation. Le PDG explique comment son groupe – qui emploie plus de 200 000 personnes dans le monde – s’est positionné il y a une douzaine d’années en faveur de la “performance globale”, qui ne sacrifie pas l’impact social et environnemental aux performances techniques et économiques.

« L’époque où l’entreprise considère que sa mission est de servir les actionnaires est révolue. C’est fini, il n’y a pas la performance économique d’un côté et la performance RSE de l’autre. C’est la performance globale, ou pas de performance. C’est une position partagée par nos actionnaires, ils ont accepté que c’est ainsi que nous assurerons notre durabilité. »

Confiant dans la capacité d’innovation des entreprises, Xavier Huillard veut éviter l’écueil d’une régulation étatique trop forte. « Depuis la COP 21, qui est la première à laquelle aient été conviées les entreprises, on fait la preuve que la lutte contre le réchauffement climatique et la croissance sont compatibles ». La crise du Covid va agir d’après lui comme un catalyseur, une opportunité pour mobiliser sur toute la planète l’ensemble des acteurs du changement.

 

Accélérer le changement, éviter la décroissance

Si Christian de Perthuis partage ce dernier avis, il insiste sur l’extrême urgence à agir. « Ces changements sont beaucoup trop lents pour nous mettre sur un scénario à 2 degrés. L’accélération a des ressorts très importants dans l’opinion publique et les entreprises, mais elle a besoin d’instruments économiques pour se déployer. Je regrette que, quand le prix du baril est à 40 dollars, on n’en profite pas pour taxer les fossiles, parce qu’on risque une hausse de la consommation. On a besoin à la fois d’action publique d’état et d’action décentralisée. » Répondant à ses interlocuteurs, il ajoute : « Si vous voulez moins de normes et moins de bureaucratie, il faut un prix du CO2. C’est le vrai juge de paix ».

Un jeune ingénieur travaux, présent dans l’assistance, questionne la compatibilité entre croissance et réduction des émissions de gaz à effets de serre. Christian de Perthuis reste prudent : « Je pense que c’est très dépendant des contextes. Je n’ai aucun doute sur le fait que la transformation écologique soit une formidable fenêtre de développement pour les pays sous-développés. Par contre, elle est très coûteuse pour les pays dépendants des énergies fossiles : les actifs échoués, ça veut dire qu’il faut détruire du capital. » Pensez à la Russie, à l’Algérie, et bien sûr aux États-Unis.

« Une partie de la communauté des économistes continue à raisonner comme si on pouvait compter sur les énergies fossiles. La croissance d’hier, basée sur les fossiles, n’a aucun avenir. Et la meilleure façon d’aller vers la décroissance, c’est de continuer le modèle d’hier. Je ne suis pas un ayatollah de la croissance verte, mais j’ai une conviction, c’est que la croissance ne sera pas grise. »

Afin de réduire ses émissions de gaz à effet de serre, VINCI s’est fixé une trajectoire de réduction de son empreinte carbone de 40% d’ici 2030, jusqu’à la neutralité en 2050. Le groupe s’appuie pour cela sur de nombreuses innovations, parmi lesquelles les nouveaux bétons bas carbone Exegy ou la route 100% recyclée conçue par Eurovia. Au-delà des engagements pris, qui portent sur les émissions directes des entreprises de VINCI, le groupe contribue ainsi à réduire les émissions comptabilisées dans son scope 3 : celui des émissions indirectes, où résident les principaux défis pour parachever la transition écologique.

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