Transition énergétique : les applications blockchain sortent du bois

En facilitant le suivi et la certification en temps réel de l’énergie partagéesur les réseaux, la blockchain concentre l’attention des collectivités engagées sur le front de la transition énergétique. Plus qu’un signal faible, voici peut-être rien de moins que les fondations de l’une des architectures de la transition énergétique, faisant naître systèmes d’autoconsommation collective ou micro-réseaux de voisinage.

Transition énergétique applications blockchain

Le secteur de l’énergie va-t-elle vivre son « moment Uber » ?

« La blockchain remplira trois fonctions dans le projet  : assurer les paiements entre les acteurs impliqués, agir en tant que matchmaker (intermédiaire facilitant la rencontre et la demande entre consommateurs et producteurs, ndlr) et répartir de façon équitable les coûts du réseau, en tenant compte des fluctuations de la demande et de l’alimentation en énergie », explique Energy Cities, ce réseau européen de plus de mille villes faisant converger leurs réflexions dans le domaine de la transition énergétique.

De quoi préfigurer la multiplication de réseaux énergétiques totalement décentralisés ? Le projet, comme la grande majorité de ceux s’observant en la matière, en est au stade de l’expérimentation. Du reste, il fait encore intervenir un tiers, une société (coopérative) de services énergétiques, pour superviser le réseau. Dans une note exploratoire consacrée au sujet, l’association de municipalités Energy Cities voit néanmoins dans les usages de la blockchain de quoi bousculer un secteur de l’énergie qui « n’a pas eu encore son moment « Uber »» en dépit du développement, appelé à s’accentuer, des nouvelles technologies de réseaux intelligents (smart grids) et de génération d’énergie distribuée et à petite échelle (microgrids).

 

La blockchain n’optimise pas : elle transforme

« L’apport du numérique ne se limite pas à l’optimisation écologique, au « smart »», écrivent l’Iddri, la Fing, WWF France et GreenIT.fr en ouverture de leur livre blanc sur les convergences des transitions numérique et énergétique. Le « smart », poursuivent-ils, « s’analyse souvent comme un gain de productivité [mais a pourtant] pour résultat de multiples effets rebonds ». Plutôt que comme un vecteur d’optimisation, le numérique devrait être affirmé comme une « force de transformation des pratiques, de la nature même des produits et services, des organisations, des modèles économiques, des jeux d’acteurs ».

La blockchain, précisément, transforme les chaînes de valeur. Dans l’énergie, ses applications sont nombreuses. Comme avec Power-ID, elle peut ainsi gérer des transactions d’énergie de pair à pair, et ouvre la voie à la création de marchés d’énergie régionaux. En stockant les informations relatives aux flux d’énergie produits, consommés ou échangés, elle renseigne de surcroît de manière sécurisée les utilisateurs sur l’état réel du réseau et des actifs qui y sont possédés et échangés. Cette capacité de traçage et de certification pourrait même conférer aux blockchains un rôle central dans la gestion des certificats et garanties d’origine d’énergie renouvelable. La start-up française Inuk travaille même à l’élaboration de réseaux permettant de transformer son énergie renouvelable produite en crédits carbone afin de les vendre sur le marché (Inuk, « l’app qui annule vos émissions carbone », est encore en version bêta). Comme l’expliquait son équipe à la conférence annuelle d’Energy Cities, à Rennes« un immense avantage de la [Blockchain], c’est que l’utiliser nous permet de toucher les petits producteurs d’énergie solaire : […] les processus de certification actuels excluent de fait les petits producteurs de renouvelable du marché des crédits carbone, et la blockchain permet de contourner cela ».

Enercoop, pionnier de la micro-production, fait lui aussi montre d’un intérêt pour la blockchain. Le fournisseur place le curseur à l’échelle d’un « éco-quartier faisant de l’autoconsommation collective entre une quinzaine de bâtiments, mais qui aurait tout de même des besoins complémentaires en énergie », et se voit même bien jouer le rôle d’organisateur de ces réseaux : « il y aura toujours besoin de tiers de confiance pour organiser tout ou partie de la Blockchain. Et cela représente peut-être un des futurs rôles des acteurs de la transition énergétique ».

 

Autoconsommation en itinérance

Suivi en temps réel de la consommation, rétribution des acteurs via une monnaie virtuelle, facturation et répartition des coûts du réseau au gré de la demande, etc. : la blockchain semble tout particulièrement adaptée aux problématiques énergétiques du moment. Energy Cities note aussi qu’« elle émerge à un moment où de plus en plus de nouveaux acteurs (entreprises d’énergie renouvelables, villes, coopératives citoyennes) entrent dans le marché de l’énergie », et où les forces motrices sont du côté de la décentralisation, de la modularité et de l’autoconsommation, permise en France à l’échelle d’un bâtiment depuis la mi-2016.

Et ce n’est pas fini : Sunchain, acteur français proposant de faciliter l’échange d’électricité solaire sur le réseau public de distribution, favorise l’autoconsommation collective à l’échelle d’un bâtiment, d’un éco-quartier, et même en itinérance grâce à un réseau de bornes permettant de consommer à distance l’énergie produite chez soi. Avec cette solution nomade, la blockchain pourrait faciliter la recharge de véhicules électriques à partir d’énergie solaire produite locale : de quoi aussi façonner la mobilité électrique de demain ?

Partager l'article sur