En 1900, la première ligne de métro parisienne ouvrait entre Vincennes et Porte Maillot. Un an auparavant, le romancier Nicolas d’Estienne d’Orves qualifiait l’année 1899 comme “l’une des plus bruyantes de toute l’histoire parisienne” ; à cause des chantiers de l’exposition universelle, mais également du métro à venir. 120 ans plus tard, 21 tunneliers rejoignent les sous-sols de la région capitale dans le cadre des chantiers du Grand Paris. Heureusement pour les habitants, un siècle d’innovation a largement transformé les méthodes et les outils, qui ont su se faire discrets. L’occasion pour Leonard de revenir sur les technologies de pointe qui ont remplacé les pelles et les pioches dans la course aux tunnels.
Des tunnels dans la ville
“La problématique principale, le plus complexe, c’est le lien entre la surface et le souterrain. On sait creuser des tunnels dans tous les horizons géologiques, mais la communication avec la surface reste un enjeu.” Pour Marc Hasenohr, directeur de la Tunnel Factory chez VINCI Construction, les tunnels posent la question de leur intégration à la ville dense avant même d’entrer dans les enjeux de forage. Chaque nouvel ouvrage entre en concurrence avec des réseaux de surface (type EDF), des métros existants, ou des excavations historiques, à l’image des carrières et catacombes de Paris.
Pour naviguer au cœur d’environnements de plus en plus contraints, les solutions technologiques évoluent et complètent les traditionnels forages destructifs. “On développe aujourd’hui des techniques à base d’ondes électromagnétiques, sismiques, sonores”, explique Marc Hasenohr. La startup AVUS, anciennement incubée chez Leonard, propose d’ailleurs une solution en réalité augmentée pour visualiser les réseaux souterrains. L’application agrège les données des plans existants et les résultats des analyses de géo-détection.
Sûr, rapide et compétitif : la trinité du tunnelier
Côté forage, les tunneliers restent la technologie incontournable. Démocratisés dans les années 80, ils peuvent mesurer jusqu’à 19m de diamètre pour 100m de long. Depuis, si leur fonctionnement est resté sensiblement le même, ils ont embarqué toute une gamme d’innovations au fur et à mesure de leur développement. “Nous développons de l’automatisation, de la robotisation, des techniques d’intelligence artificielle et d’analyse de données pour permettre un creusement plus rapide, plus régulier, plus sûr et plus écologique”, résume Marc Hasenohr.
Parmi les pistes les plus explorées, l’automatisation et les données tirent l’innovation. En Malaisie, un système autonome, capable de s’adapter en temps-réel aux conditions géologiques a été récompensé lors du New Civil Engineer Tunnelling Festival. En Autriche, un système de trains autonomes a permis d’approvisionner un tunnelier en opération. Un peu partout, les Big Data et l’IA permettent aux compagnons d’affiner leurs prises de décisions. Anticipation des incidents, surveillance des indicateurs clefs, gestion automatisée des consommations énergétiques : les pistes de développement sont nombreuses. Côté sécurité, les systèmes de radio-identification (RFID) permettent de localiser les opérateurs ou de de détecter les collisions. Dans le même temps, des systèmes d’inspection laser automatisent certaines des démarches les plus périlleuses…
Le tunnel disrupté ?
Avec des cycles longs, des investissements colossaux, et l’absence d’économie d’échelle, le monde du tunnel semble être le lieu d’une innovation lente et permanente, incrémentale. Cela dit, de puissants acteurs cherchent à rebattre les cartes. D’un côté, la Boring Company d’Elon Musk vise une multiplication par 10 des vitesses de forage. L’entreprise californienne a révélé en février 2020 la mise en service du tunnelier “Prufrock”. Bien que l’on puisse difficilement juger des performances de la machine, ce nouvel entrant agit aujourd’hui comme un catalyseur d’innovation pour toute l’industrie des grands acteurs de la construction de tunnels. De l’autre côté, les entreprises chinoises de fabrication de tunneliers bousculent les habitudes des acteurs traditionnels en s’imposant sur le marché européen. “On ne doit pas se laisser dépasser par des concurrents dont le marché est plus important. VINCI Construction, à travers son initiative de Tunnel Factory répond à ce besoin d’innovation”, conclut Marc Hasenohr.