Du 14 au 16 novembre 2022, le think tank de prospective urbaine La Fabrique de la Cité et Leonard, la plateforme d’innovation du groupe VINCI, ont organisé une learning expedition à Helsinki pour s’inspirer des activités innovantes en vigueur dans la capitale finlandaise pour les métiers de la construction et des infrastructures.
Pour répondre au défi climatique, un nombre croissant de villes souhaitent recourir au bois dans leurs programmes de construction. Ce matériau renouvelable possède en effet de nombreux atout en termes de durabilité et flexibilité. Cependant, l’industrie du bois reste très dépendante des énergies fossiles car le charbon, le pétrole, le fioul et le gaz sont encore largement utilisés pour transporter les arbres et pour les façonner en usine. Ce n’est pas le seul problème… Le développement à grande échelle de la construction bois pourrait fragiliser les écosystèmes forestiers, entraînant, à terme, une baisse drastique de la biodiversité et une plus faible séquestration du carbone dans les zones boisées.
Autant de raisons qui font que le nouveau défi est désormais de construire en bois tout en protégeant la ressource et l’environnement. Comment y parvenir ? De la forêt à la mise en chantier, quelles sont les solutions pour garantir le développement durable de la filière bois ? Que peut nous apprendre l’exemple finlandais ?
Le bois, ressource durable par excellence ?
En Finlande, le bois a été adopté depuis longtemps pour faire sortir de terre maisons individuelles et quartiers d’habitation. L’entreprise Puutalo Oy, fondée en 1940, témoigne du savoir-faire finlandais en la matière. Après la guerre, elle est devenue la plus grande exportatrice de maisons préfabriquées en bois dans le monde. « Ces maisons n’étaient pas faites pour durer éternellement, mais des décennies plus tard, il y en a encore des milliers sur tous les continents. Une des raisons pour lesquelles elles ont si bien tenues, c’est la simplicité de leur conception. Presque tous les éléments qui les constituent sont faits à base de bois » explique Kristo Vesikansa
Achevé en 2020, le nouveau quartier de Honkasuo, situé dans le nord-ouest d’Helsinki, démontre lui-aussi le leadership finlandais dans ce domaine. Constitué d’une multitude de petites maisons mitoyennes, ce quartier est devenu une référence mondiale pour ce type de constructions. « Nous voulons développer les constructions bois à grande échelle, mais aussi à l’échelle locale. Nous voulons exporter des maisons ou peut-être même des villes en bois. Nous voulons devenir zéro émission » précise Pétri Heino.
Garantir la pérennité de la filière bois nécessite de gérer durablement les forêts. En Finlande, l’effort est mis sur le ratio entre le bois utilisé par rapport au nombre d’arbres abattus. Pour limiter le plus possible les déchets, chaque arbre utilisé et intégré au processus de production autant que possible.
Décarboner la chaîne de valeur
Par ailleurs, l’effort porte sur la décarbonation de l’ensemble de la chaîne de valeur, depuis la découpe des arbres, en passant par leur transport, leur stockage, leur sciage et leur façonnage. Pour y parvenir, les producteurs de bois finlandais investissent de plus en plus dans les biocarburants, les énergies renouvelables et les bioplastiques. Représentative de ce changement, l’usine de bioproduits d’Äänekoski, une infrastructure nouvelle génération à faible émission carbone qui a coûté 1,2 milliards d’euros, a ouvert ses portes en 2018 pour fabriquer de la pâte à papier de façon durable.
Industrialiser les filières
La question du développement de filières de la construction bois a fait l’objet d’une table ronde qui réunissait Frédéric Carteret, Président de France Bois Industries Entreprises (FBIE), Petri Heino, directeur du programme Construction bois au ministère de l’Environnement finlandais, Armelle Langlois, directrice du pôle construction durable de VINCI Construction en France et Mikka Pesonen, Directeur des ventes de Stora Enso, un acteur mondial des produits de construction bois. L’objectif était d’envisager dans quelle mesure le modèle finlandais, qui a passé le cap de l’industrialisation pourrait inspirer les bâtisseurs français pour passer à l’échelle et comment les deux pays peuvent répondre au défi de la soutenabilité de leur modèle de développement.
Créer des chaînes de valeur
Il faut préciser que la Finlande, grande comme les deux tiers de la France, est l’un des principaux exportateurs au monde de cette ressource naturelle, grâce à des forêts qui couvrent les trois quarts de son territoire. Mais ce n’est pas uniquement cette caractéristique qui explique le passage à l’échelle de la construction bois dans de pays… Au fil du temps, l’État a réussi à structurer une filière qui prend en compte tous les maillons de la chaîne, depuis la plantation des arbres jusqu’à la livraison du produit final, en passant par la mise en chantier.
Alors que la France compte un grand nombre d’entités hyper-spécialisées, la Finlande a pris le chemin inverse en misant sur un modèle inclusif, notamment en développant des partenariats public / privé qui s’appuient à la fois sur les collectivités locales, les professionnels du bâtiment et la communauté académique. « Les entreprises de la construction bois opèrent à la fois en tant que propriétaires de massifs forestiers, constructeurs, industriels, scieurs… Ce fonctionnement constitue une chaîne de valeur entière, qui évolue sans cesse pour rester compétitive à l’image de Stora Enso qui développe une gamme de modules préfabriqués en bois pour la construction. En France, il est important aujourd’hui de réunir tout le monde pour que l’on puisse avancer correctement et répondre aux enjeux environnementaux qui sont devant nous. » analyse Frédéric Carteret.
Une législation qui encourage le développement de la construction bois
En outre, la construction bois est fortement encouragée dans les principaux documents de planification nationale, et notamment à travers le Programme National Bois qui a vu le jour en 2016 avec pour mission d’élaborer des réglementations et de faire émerger des compétences régionales, ainsi que le rappelle Petri Heino, directeur du programme Construction bois au ministère de l’Environnement finlandais. L’objectif de ce programme est de porter la part de marché des constructions bois dans les bâtiments publics à 45 % d’ici 2025.
En France, les textes juridiques représentent eux-aussi un début de réponse pour faire progresser la filière. « Nous sommes passés d’une réglementation thermique à une réglementation environnementale pour tous les bâtiments neufs et la grande nouveauté, c’est que nous allons devoir compter les émissions de gaz à effet de serre. Pour faire cela, il faut privilégier des matériaux qui sont de moins en moins émissifs, parce que les seuils de cette réglementation baissent d’année en année. Il y a désormais une volonté très forte de favoriser tout ce qui est biosourcé, et notamment le bois » synthétise Armelle Langlois, directrice du pôle construction durable de VINCI Construction en France.
