Bétons bas carbone : les défis de l’industrialisation

Face au défi de la décarbonation de la construction, les matériaux se réinventent. A l'occasion de la sortie d'un rapport inédit sur le sujet en deux volets, Leonard et Hello Tomorrow organisaient le 27 octobre dernier un événement sur le passage à l'échelle des bétons bas carbone.

À l’occasion de la sortie d’un rapport inédit sur la décarbonation de la construction, Leonard et Hello Tomorrow organisent deux événements sur le sujet. Le premier volet s’est tenu le 27 octobre sur le thème : « Bas carbone, ultra bas carbone. Quand le béton se réinvente ». L’événement réunissait Pierre Anjolras, président de VINCI Construction, Antonio Castro Neto, co-fondateur d’UrbaX, Julie Neuville, co-fondatrice et chief impact officer de Materrup, Juan Nieto, partner fondateur de Zacua Ventures et Bruno Paul-Dauphin, directeur des solutions bétons bas carbone EXEGY chez VINCI Construction. L’événement était modéré par Kevin Cardona, directeur de l’innovation entrepreneuriale chez Leonard.

Quelle est aujourd’hui la place des matériaux bas carbone dans la construction ? Au regard des objectifs de neutralité carbone de ce secteur, la question a son importance surtout quand on sait que le béton à lui seul représente environ 8% des émissions de CO2 mondiales. Or, la réduction voire la substitution du clincker dans le ciment, les alternatives en termes de liants et la séquestration du carbone sont des leviers sur lesquels il est d’ores et déjà possible d’agir pour réduire les émissions de CO2.  

Des nombreuses barrières à lever 

Cependant, des freins à l’adoption de ces nouvelles solutions existent, comme le rappelle Antonio Castro Neto, co-fondateur d’UrbaX, une société basée à Singapour qui conçoit et fabrique des matériaux de construction de nouvelle génération à faible émission de carbone : « pour toute nouvelle technologie, il faut convaincre l’industrie de changer de façon de faire et cela prend du temps. Mais cette barrière à l’entrée devrait être rapidement levé du fait de la pression du contexte réglementaire et de l’opinion ». À l’image de Materrup, une plateforme technologique permettant la production de ciments d’argiles crues, lever ces barrières nécessitent de la méthode et de la volonté : « il a fallu d’abord faire accepter l’idée même d’une deeptech travaillant sur l’argile », relève Julie Neuville, co-fondatrice et chief impact officer de Materrup, « il a fallu ensuite passer de l’étape des POC à celle de l’industrialisation et enfin massifier la solution via des partenariats ». Pour Juan Nieto, partner fondateur de Zacua Ventures : « notre rôle d’investisseur est justement de permettre à ces nouvelles solutions d’accéder au marché ». 

Consulter le rapport « Pathways to sustainable concrete » (Leonard x Hello Tomorrow)

Ou télécharger le rapport ici

Des contraintes parfois positives 

Bruno Paul-Dauphin, directeur des solutions bétons bas carbone EXEGY chez VINCI Construction a également dû franchir plusieurs obstacles : « d’abord, les barrières normatives qui ont pris, pour notre part, cinq ans à être levées, puis l’accès aux ressources et la structuration de la filière pour le filler calcaire et le métakaolin en ce qui nous concerne et enfin l’enjeu de la transformation des habitudes de chantier car il faut s’adapter aux contraintes spécifiques des bétons bas carbone ». Toutefois, certaines contraintes peuvent être positives. « La RE2020 [règlementation environnementale 2020] par exemple est un formidable accélérateur pour Materrup car elle pousse à utiliser concrètement du béton bas carbone. Et les seuils vont être encore relevés dès 2025 », souligne Julie Neuville, « la législation s’avère alors un catalyseur qui permet de fédérer les acteurs sur toute la chaîne » 

La piste de la séquestration du CO2 

Quant à la séquestration du carbone dans le matériau, les solutions, là aussi, existent. Dans ce domaine, « la question reste de savoir comment faire à un coût abordable », note Antonio Castro Neto. Mais de nouvelles initiatives permettent aujourd’hui d’aller encore plus loin dans la séquestration du CO2. « Des sociétés matures proposent déjà des solutions de carbon curing », constate Bruno Paul-Dauphin, « mais ce type de solution se limite à seulement 20 kg de CO2 par m3. Il serait donc intéressant de travailler aussi sur la substitution du clincker. Les cimentiers ont d’ailleurs déjà commencé à décarboner leur processus clincker avec des unités de séquestration du CO2 à la source qui seront en service dès 2027-2028 ».  

Le béton bas carbone est donc bel et bien une réalité. « Et c’est une bonne nouvelle », selon Pierre Anjolras, président de VINCI Construction, « chez  VINCI Construction , le béton représente un volume de 10 millions de m3, c’est donc un élément essentiel de notre Scope 3. Nous avons trois leviers pour agir face à l’enjeu de la décarbonation : utiliser moins de matière, diversifier les matières et les partenariats ». L’enjeu est d’autant plus crucial que les caractéristiques remarquables du béton en font un matériau qui restera encore longtemps essentiel dans le monde de la construction.   

 

Pour aller plus loin, voir le replay de l’événement

Ne manquez le second événement de ce cycle, le 22 novembre à 19h sur la thématique des super pouvoirs des nouveaux matériaux. Je m’inscris !

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