La troisième rencontre de cette série, qui s’est tenue le 20 avril, s’est intéressée aux infrastructures et filières nécessaires à une réindustrialisation bas-carbone. Animée par Grégory Richa, directeur associé de OPEO Conseil, la conférence a réuni Caroline Granier, économiste, cheffe de projet à La Fabrique de l’industrie, Louis du Pasquier, directeur du contrat de concession Escota chez VINCI Autoroutes, Benoît Lepesant, chargé de projets au sein du Groupe Caisse des Dépôts et Édouard Sichel, chargé de mission énergies chez GIMELEC.
Elles sont un facteur clé de la compétitivité des territoires. Les infrastructures, qui recouvrent l’ensemble des équipements fixes dédiés au transport des hommes, des marchandises, de l’eau, du gaz, de l’électricité, constituent également une brique majeure de la réflexion sur la transition énergétique. Pas de décarbonation de l’industrie sans développement d’infrastructures plus propres. Une logique à laquelle les pouvoirs publics et les filières industrielles doivent prendre toute leur part, si elles veulent accélérer la transformation des processus et des usages.
Les choix stratégiques de déploiement de ces infrastructures sont cruciaux. Car, comme l’a rappelé Caroline Granier, cheffe de projet à La Fabrique de l’industrie, les infrastructures se caractérisent par deux marqueurs décisifs : d’importants coûts fixes et une longue durée de vie. Avant de choisir, il s’agit donc de bien réfléchir : «En matière d’infrastructures, décider, c’est s’engager dans une trajectoire verrouillée. Si on se trompe de technologie, on se trompe d’infrastructure», a noté l’économiste.
Effets rebonds
Les arbitrages s’avèrent d’autant plus complexes que la réflexion sur la transition énergétique ne peut faire l’impasse sur les fameux “effets rebonds”. Ainsi, qui dit 5G dit production électrique, développements d’une nouvelle génération de smartphones et consommation d’énergie et de matières premières. Qui dit panneaux photovoltaïques dit production de silicium. Qui dit fibre dit consommation de cuivre. Etc.
Tout choix d’investissement est donc porteur d’effets collatéraux contradictoires. Avec, en creux, une question récurrente autant que critique : celle de la dépendance à des ressources naturelles finies. Pour électrifier les réseaux, on a par exemple besoin de cuivre. Or, selon l’IFP Énergies nouvelles (IFPEN), 90% des réserves de ce métal seront épuisées en 2050.
Pourtant – le 6ème rapport du GIEC publié en avril 2022 nous y enjoint avec force – il faut aller vite, très vite. «La décarbonation rapide et massive des véhicules est impérative», a soutenu Louis du Pasquier, Directeur du contrat de concession Escota chez VINCI Autoroutes, rappelant que le secteur des transports est le seul en France à voir ses émissions de gaz à effet de serre augmenter. « On aura beau miser sur les transports en commun, 80% à 90% des flux de marchandise passeront encore demain par la route et 9% par l’autoroute », a-t-il prévenu.
Routes à induction
Mais quelles solutions choisir ? Si côté véhicules légers, la batterie est en train de s’imposer partout en Europe, côté poids lourds, quatre grandes options se font concurrence : les biocabrurants-biogaz, l’hydrogène décarbonée, la batterie, la “route électrique”, capable de recharger les véhicules en circulation, par caténaire, par patins sur rails ou par bobines inductives installées sous la chaussée. Là encore, les choix devront être concertés si l’on veut – et il le faut – garantir l’interopérabilité des systèmes. Comment accepter la multiplication de normes qui ne pourraient être partagées par les différents acteurs industriels d’une même filière et ce, au-delà des frontières nationales ?
« Les industriels ne doivent pas se contenter de produire leurs offres, ils doivent encourager et accompagner les usages », a soutenu Caroline Granier. Les filières, aujourd’hui, sont plutôt focalisées sur des enjeux d’anticipation de leur production. « La grande priorité est de réussir à prévoir les niveaux de commande sur tous les types d’équipement. Avec à terme, la question essentielle de sécurisation des approvisionnements et de la préservation des ressources », a insisté Édouard Sichel, chargé de mission énergies au sein du GIMELEC, groupement des entreprises électronumériques françaises, qui réunit 200 sociétés et 90% de la filière.
Financer les besoins des territoires
Le développement et le changement d’infrastructures appelle la levée de nombreux freins, pas seulement industriels. Freins administratifs : une collectivité n’hésitera pas s’opposer au déploiement sur son territoire d’un réseau dont la construction a été lancée par l’autorité limitrophe. Freins sociaux : l’acceptabilité face au déploiement des éoliennes, par exemple, constitue un vrai sujet. Freins politiques : l’État et les pouvoirs publics doivent faciliter plus franchement les réflexes de consommation durable dans la société.
En France, les collectivités ont également un rôle central dans la gouvernance, le développement et le fonctionnement des infrastructures. « Pour remporter les choix d’implantation des grands industriels, les territoires doivent remplir deux critères principaux : un foncier disponible et une main d’œuvre qualifiée », a expliqué Benoît Lepesant, chargé de projets au sein du Groupe Caisse des Dépôts. Financement d’actifs immobiliers, amélioration des processus, développement des infrastructures de recharges de véhicules et des réseaux de récupération de chaleur, formation des jeunes via les écoles de production… : en 2021, la Banque des Territoires a investi 2,2 milliards d’euros dans 300 projets liés à la décarbonation de l’industrie.
Transports, télécoms, énergies : les infrastructures sont les artères vitales du tissu et de l’activité industriels. Elles sont, de ce fait, le passage obligé de la décarbonation des filières.
Le cycle est organisé en partenariat avec VALGO, Energy Observer Foundation, OPEO Conseil et la Société d’Encouragement pour l’Industrie Nationale. Retrouvez l’ensemble des ressources sur la page du cycle.