A quel problème répondent les plate-formes qui mettent en relation des professionnels indépendants spécialisés et les entreprises de construction ?
Quand une entreprise de la construction a besoin de recruter un spécialiste pour un projet, le plus souvent, cette recherche se résume à prendre le téléphone et contacter une connaissance – un collaborateur, un expert avec qui l’entreprise a déjà travaillé. Cette mobilisation du réseau, avec des moyens très traditionnels, est rassurante. C’est un moyen éprouvé de s’assurer de la fiabilité des personnes correspondant au profil recherché. La recherche de fiabilité est clé, dans un secteur où les erreurs peuvent avoir un coût très élevé. Mais passer par son réseau professionnel est très peu efficace : les entreprises de la construction passent en moyenne une heure par jour à rechercher les compétences dont elles ont besoin.
Or les besoins en talents vont s’intensifier : 20% des salariés du secteur partent en retraite dans les 10 prochaines années, 200 000 cadres vont être renouvelés et, en France, se profilent plusieurs chantiers très importants, comme ceux liés aux JO 2024. Et la crise sanitaire a exacerbé les limites des méthodes usuelles de suivi du plan de charge et de gestion de projet. De nombreuses entreprises ont gelé leurs embauches, mais ont quand même besoin de réaliser leurs chantiers, elles ont donc besoin de moyens nouveaux, efficaces, pour trouver les bons spécialistes. C’est là que les plate-formes interviennent. C’est une situation très favorable pour elles.
Comment une plateforme peut-elle apporter des gages de fiabilité aux constructeurs ?
Le premier niveau de fiabilité consiste à vérifier l’expérience et les compétences des spécialistes s’inscrivant sur la plate-forme. Nous réalisons un « fact checking » approfondi, demandons des références… Ce travail est de grande valeur, car une fois fait, il est utile pour tous les clients de la plateforme. Le profil des freelances inscrits est ensuite mis à jour au fil des missions réalisées, chacune d’entre elles appelant une notation et une recommandation complémentaire. L’autre niveau, c’est celui de la plateforme elle-même. Les métiers de la construction sont extrêmement techniques, et la palette des compétences est très large. Les concepteurs de la plateforme doivent donc proposer un niveau de détail et de profondeur reflétant cette diversité technique. Nous revendiquons la capacité à très bien connaître les expertises de la construction – lots, métiers, outils numériques-, les contraintes des constructeurs, les exigences de séniorité…
Les pratiques des constructeurs évoluent-elles avec l’usage des plate-formes ?
Ce qui me semble le plus marquant, c’est que les entreprises qui choisissent d’utiliser une plate-forme comme la nôtre s’ouvrent la capacité de répondre à des marchés auxquels elles n’accèderaient pas, par défaut de compétences. Elles découvrent un univers des possibles, parce qu’elles peuvent mobiliser les experts qui leur manquent pour répondre à des demandes pour lesquelles elles ne sont pas complètement compétentes. La digitalisation du bâtiment, l’extension des approches BIM, appelle de nombreux nouveaux profils, très particuliers.
Il arrive même que des entreprises aient besoin de profils tout à fait inédits – je pense par exemple à un de nos clients qui a eu besoin d’un expert en modélisation 3D, spécialiste des réflexions lumineuses, et qui a pu, via notre plate-forme, faire travailler quelqu’un qui venait de la modélisation dans les jeux vidéo. En pratique, de nombreux clients passent par la plate-forme, d’abord, pour une petite mission. Puis reviennent pour une mission plus importante… Jusqu’à, pour certains, demander à utiliser la plate-forme de manière autonome, pour gérer complètement la constitution d’une équipe, y compris pour la gestion des devis et la contractualisation. Le fait est qu’aujourd’hui, déjà, sur notre plateforme, 50% des clients sont des clients récurrents.
Comment évolue le freelancing dans la construction ?
Outre la diversification des métiers, il arrive désormais fréquemment que des salariés souhaitent s’inscrire sur la plate-forme, soit parce qu’ils quittent le salariat, soit parce qu’ils recherchent une activité complémentaire. Dans tous les cas, le travail en freelance offre la possibilité de gérer son temps, de choisir ses projets. Et il faut voir que la banalisation du télétravail a libéré des heures – a minima, celle des allers-retours entre le domicile et le lieu de travail. Pour certains, cela peut aller jusqu’à libérer une journée par semaine. Ils mettent alors ces heures à profit pour proposer leur expertise, en freelance, via la plate-forme. Le phénomène est assez générationnel, mais il est indéniable.