NB : Cet article est issu du yearbook Leonard 2023 à paraître prochainement.
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Que définit-on comme mobilité connectée ?
La connectivité dans un véhicule couvre trois grandes fonctions. La première concerne le contenu numérique : la navigation, le multimédia, la possibilité de travailler en recevant ses mails, etc. La seconde, qui est la plus importante à nos yeux, c’est la sécurité. Il s’agit d’échanger de l’information entre véhicules ou avec l’infrastructure pour limiter les risques d’accidents. Le véhicule peut être informé de toutes les singularités sur son trajet, liées au trafic, aux incidents ou aux travaux, de manière à mieux anticiper les situations à risques. Enfin, la troisième concerne le déploiement des véhicules autonomes, qui génèrent et échangent de grandes quantités d’informations.
Quel est l’état à date des déploiements de la mobilité connectée ?
Côté constructeur, la totalité des nouveaux véhicules sont connectés, au moins en cellulaire. En plus de cela, certains constructeurs ont déjà déployé une connectivité type wifi de courte portée. Le plus emblématique est Volkswagen qui embarque la technologie depuis 2019. Il y a environ 800 000 véhicules Volkswagen équipés de connectivité de courte portée permettant l’échange d’informations avec les véhicules voisins et la route en circulation aujourd’hui. Côté infrastructure, il existe des projets d’innovation et de R&D, dans lesquels VINCI est actif. Nous travaillons notamment avec des constructeurs sur de nouveaux cas d’usage. Il y a ensuite des projets de pré-déploiement ; nous avons ainsi installé quelques dizaines d’unités de connectivité de courte portée sur notre réseau en France.
Quels sont les freins au déploiement des mobilités connectées ?
Il est essentiel d’assurer une coordination entre les infrastructures et les constructeurs. Si VINCI Autoroutes se met d’accord avec un constructeur automobile, cela ne crée pas une taille critique suffisante pour atteindre les bénéfices de sécurité promis par la mobilité connectée. Il est impératif de mettre autour de la table les principaux constructeurs automobiles et les opérateurs d’infrastructures afin de définir une feuille de route technique commune sous l’égide du Ministère des Transports. Sinon, nous risquons de rester éternellement dans un paradigme de l’œuf et de la poule : les véhicules attendent que les infrastructures soient connectées et inversement.
On parle beaucoup des mobilités routières. Quel est le point de vue de VINCI sur la multimodalité ?
Sur la multimodalité, VINCI est très actif. Une ambition est de déployer des pôles multimodaux, aux abords des autoroutes, capables de connecter la dorsale autoroutière à d’autres modes de transport, comme le vélo ou les modes collectifs. À quelques dizaines de kilomètres de Paris, l’exemple du pôle multimodal de Longvilliers est emblématique. On y trouve une gare routière avec des bus à haut niveau de service, du covoiturage, du vélo, etc. Pour déployer ses nouvelles offres, VINCI Autoroutes s’appuie sur l’application Ulys, qui regroupe tous les services aux usagers du réseau. On y retrouve par exemple des services de péage, mais aussi les emplacements des bornes de recharge électrique.
On a beaucoup parlé de mobilités autonomes. Le sujet semble être un peu retombé médiatiquement aujourd’hui. Quelles sont les prochaines grandes échéances ?
Le véhicule autonome fait moins de bruit médiatique mais reste une priorité technologique. Les promesses initiales de la filière automobile n’ont pas été tenues, mais ce n’est pas une utopie pour autant. Concernant les véhicules individuels, les premiers modèles sont arrivés sur le marché. Il s’agit de modèles à délégation de conduite, dans lesquels le conducteur ne met plus les mains sur le volant ou les yeux sur la route. C’est ce qu’on appelle du niveau 3. Honda au Japon et Mercedes en Allemagne les commercialisent déjà. Le secteur des navettes collectives est également passé d’une phase de démonstrateur technique à une phase commerciale. Les blocages réglementaires et législatifs ont été levés. Le secteur du transport de marchandises se développe également rapidement, par exemple aux États-Unis avec des poids lourds autonomes sur autoroute. Seul le niveau d’autonomie le plus élevé est aujourd’hui remis en cause par l’ensemble de la filière. Il s’agit du niveau 5, dans lequel le véhicule est autonome partout et dans toutes les conditions. Il existe tellement de particularités et de situations de conduite que cet objectif ne semble plus pertinent, même à long terme.
Quel est le rôle des infrastructures à la fois dans les mobilités connectées et les mobilités autonomes ?
La mobilité est un système qui va bien au-delà des véhicules. L’idée d’un linéaire routier passif laisse aujourd’hui place à une nouvelle conception de l’infrastructure, vue comme un moyen d’apporter des solutions aux limites des véhicules. On distingue quatre familles de contributions. La première concerne les équipements physiques. Le marquage au sol et les panneaux de signalisation sont utilisés par les véhicules autonomes et peuvent donc évoluer pour apporter des solutions nouvelles. Les marquages magnétiques ou les panneaux connectés pourraient ainsi être amenés à se développer. La seconde contribution concerne la connectivité que nous avons déjà évoquée. La troisième touche à ce que l’on appelle la perception de bord de route. Un véhicule autonome utilise un certain nombre de capteurs dont la portée est d’environ 200 mètres. À vitesse autoroutière, cela correspond à peu près à cinq secondes, ce qui est très peu. Dans certaines situations, l’infrastructure peut participer à l’augmentation de cette capacité d’anticipation des véhicules. Enfin, le quatrième volet consiste à développer des systèmes d’hypervision sur des tronçons congestionnés. Dans cette approche, l’infrastructure envoie des consignes de vitesse et de position à chaque véhicule. Par cette régulation active, l’infrastructure augmente ainsi la compacité du flux de véhicules et donc la capacité d’une voie existante par la régulation. C’est un modèle assez similaire au métro automatisé, mais appliqué à une bande autoroutière. C’est aussi la vision la plus ambitieuse.
L’idée d’un linéaire routier passif laisse aujourd’hui place à une nouvelle conception de l’infrastructure, vue comme porteuse de solutions aux limites des véhicules.
Comment imaginez-vous le futur des mobilités ?
Le contexte écologique et la contrainte réglementaire dessinent un futur des mobilités décarboné. La connectivité et l’autonomie peuvent servir cet objectif, en permettant par exemple de réduire la congestion par une meilleure régulation du trafic ou de concevoir des services de mobilité plus collectifs sur autoroute, à travers des navettes ou des bus autonomes.
Un autre enjeu concerne l’artificialisation des sols. En France, nous avons la chance de disposer d’un réseau autoroutier qui dessert très bien le territoire national. Pour faire face à la croissance de la demande en mobilité, nous ne pourrons pas multiplier à l’infini les nouvelles infrastructures autoroutières. Il faudra donc faire plus avec les mêmes infrastructures physiques. Cela passe à la fois par les innovations technologiques que nous avons évoquées et par des innovations d’usage. En favorisant les mobilités collectives sur autoroute, comme les aires de covoiturage et les cars express sur voies réservées, VINCI s’inscrit pleinement dans ce mouvement !