Le BIM et la maquette numérique, appliqués à l’exploitation et la maintenance, doivent permettre l’optimisation de la gestion opérationnelle tout au long du cycle de vie du bâtiment, préfigurant une transformation profonde de la chaîne de valeur et l’émergence de nouveaux services. C’est la promesse du BIM-FM, ou en français BIM-GEM (Gestion-Exploitation-Maintenance).
Le taux d’adoption du BIM reste contrasté
Alors que les efforts de transformation numérique de la filière se poursuivent, le potentiel du BIM-FM (Facility Management) est clairement identifié. 80% des coûts associés à un projet concernant la phase d’exploitation et de maintenance, le BIM-FM est considéré comme un outil d’optimisation révolutionnaire. Selon certaines projections, son déploiement permettrait une réduction des coûts liés à la gestion opérationnelle de l’ordre de 10 à 17% (Future of Construction). L’adoption du BIM ne concerne encore qu’une minorité d’acteurs dans le monde, a fortiori tout au long du cycle de vie du bâtiment. En France, le dernier rapport du Plan Transition Numérique dans le Bâtiment (PTNB) évalue à 35% la proportion des professionnels ayant commencé à utiliser le BIM (Bâtiment Numérique). Selon une étude globale menée par le Scottish Futures Trust, la France fait partie de la “majorité tardive”, en raison, notamment, d’un tissu d’entreprises qui interviennent souvent en lots séparés et non compatibles. L’utilisation du BIM par les acteurs du secteur reste encore souvent basique, mais le potentiel d’innovation de la filière est élevé (Research Gate). Si le pays ne dispose pas, à date, de cadre législatif coercitif, d’autres, à l’instar du Royaume-Uni et des Etats-Unis, ont choisi de rendre obligatoire le recours à la maquette numérique pour tous les bâtiments publics et ont déjà publié une stratégie ambitieuse en la matière (Gov.uk ; US General Services Administration).
Pas de BIM-FM sans BIM enrichi
Pour être applicable à la gestion-exploitation, le référentiel BIM existant doit être enrichi de toutes les informations pertinentes. Il faut aussi les hiérarchiser, s’assurer de l’interopérabilité entre les logiciels, s’assurer de leur compatibilité, ou encore inclure les fiches techniques de certains équipements… Au bout de ce processus complexe, c’est toute la gestion opérationnelle qui peut être intégrée, créant un continuum de données exploitables entre toutes les phases du cycle de vie. On parle alors de “iBIM” (pour “integrated”), soit le niveau 3 de maturité du BIM, sur une échelle de 4 (The Bim Hub). Cette continuité préfigure notamment la remontée de l’utilisateur final dans la chaîne de valeur. Ainsi, explique Etienne Bourdais, rapporteur du groupe de prospective consacré à l’impact du numérique sur la chaîne de valeur des métiers de la construction chez Leonard, “on peut envisager, grâce au iBIM, d’associer davantage les usagers pour aboutir à un meilleur alignement entre les besoins réels et la réalisation de l’ouvrage”. De fait, le iBIM, bien structuré et codifié, est potentiellement capable d’alimenter tous les métiers de la filière, et constitue un socle propice à l’innovation et à la création de valeur.
Vers de nouveaux services portés par la technologie
Une fois tous les équipements dotés de capteurs et intégrés à l’environnement numérique du BIM, les opportunités en matière de gestion-exploitation sont nombreuses. Identifier et réparer une panne, entretenir les réseaux, gérer le chauffage et la climatisation, repenser l’occupation des espaces en réalité augmentée… grâce au BIM-FM et à l’analyse croisée des données recueillies en temps réel, la performance des bâtiments pourrait en ressortir largement optimisée (Research Gate). La maintenance corrective et prédictive, par exemple, pourrait bénéficier d’un chiffrage et d’un calendrier des prestations précis. Pour les acteurs ayant la double casquette de constructeur et d’exploitant, c’est autant de nouveaux services à haute valeur ajoutée que le déploiement du BIM-FM permet déjà d’imaginer (The Agility Effect). Au regard des exigences des transitions énergétique et environnementale et des objectifs imposés aux bâtiments en matière de consommation énergétique et d’émissions de gaz à effet de serre, le BIM-FM fait donc office de support idéal (Science Direct). Pourtant, dans la pratique, et ce, malgré des expérimentations remarquées (CTB), le BIM-FM est encore loin d’être généralisé. Les dernières initiatives en la matière sont signées par les éditeurs de logiciel, au premier rang desquels Autodesk, qui vient d’annoncer la commercialisation d’une nouvelle plateforme de BIM intégrant tout le cycle de vie du bâti (Construction Dive). Au-delà des aspects purement techniques, l’adoption du BIM, et donc du BIM-FM, requiert que la confiance puisse s’instaurer entre toutes les parties prenantes d’un projet, qui doivent adopter une démarche à la fois collaborative et coopérative (EU BIM Task Group).