« L’enjeu est d’accompagner la numérisation du suivi de chantier au plus près des utilisateurs »

Le suivi de l’avancement des travaux de chantier est chronophage et peut être source d’erreurs. Frédéric Delrieu (Directeur Général de Sixense Digital) et Marc Negre (co-fondateur de Kraaft) se rencontrent pour discuter des solutions numériques qui se développent pour accompagner les acteurs de la construction dans ce domaine.

grues chantier sous filtre bleu - dessus, deux portraits d'hommes dans des cercles

Sixense Digital, filiale de VINCI Construction, conçoit, développe et déploie des solutions répondant aux enjeux de sécurité, de qualité, et de maîtrise des opérations des constructeurs et gestionnaires d’infrastructures.

Kraaft est une start-up qui développe une plateforme de collaboration dédiée aux équipes terrain, qui permet de générer des rapports et analyses spécifiques à partir d’une simple conversation de chantier. Elle est membre du programme Catalyst de Leonard.

À l’heure actuelle, comment un conducteur de travaux réalise-t-il le reporting des opérations dont il a la responsabilité ?

Frédéric Delrieu : Le rôle d’un conducteur de travaux est de s’assurer de la bonne organisation du chantier et de l’avancement des travaux, tout en garantissant le niveau de qualité, la tenue des délais et le respect des budgets. Il interagit au quotidien avec toutes les parties prenantes, notamment lors de réunions de chantier et d’échanges spécifiques avec la maitrise d’ouvrage, la maitrise d’œuvre et tous les corps de métier.

Le suivi de la plupart de ses tâches est généralement peu digitalisé alors qu’une majorité de celles-ci est réalisée en mobilité et nécessite l’accès centralisé à l’ensemble de la documentation du projet (plans, études, rapports, comptes-rendus, …). Le suivi et le reporting sont chronophages et peuvent être source d’erreurs.

Marc Negre : L’autre pan du reporting, souvent sous-estimé, c’est aussi le flux en temps réel d’informations qui s’échangent. Cette communication du quotidien se fait beaucoup par SMS, WhatsApp et emails : des canaux « digitaux », utilisés dans la vie privée des équipes, mais assez informels et destructurés. C’est tellement simple à utiliser ! Et ça fonctionne bien pour le suivi en temps réel car c’est réactif (« j’ai un souci sur le bardage, je t’envoie une photo, qu’est-ce que tu en penses ? », etc.) … Mais à coup de dizaines de messages par jour les infos vraiment importantes se perdent vite, et quand il s’agit de retracer un événement passé, ou de suivre la résolution d’une tâche, l’encadrement perd beaucoup d’énergie à faire de l’archéologie !

En quoi vos produits offrent-ils une réponse à ces enjeux ?

Frédéric Delrieu : Depuis le début, nous avons choisi de développer notre solution « Beyond InSite » en se fondant sur les besoins des équipes terrain et des cas d’usage éprouvés avec les experts métiers de VINCI Construction. Notre solution est articulée autour de trois modules métiers complémentaires et regroupe au sein d’un même outil différentes fonctions :

D’abord le suivi de l’avancement des phases de construction et d’autocontrôle des ouvrages, des visites de sécurité et d’autres événements (MyForm).

Ensuite, l’optimisation du management des sous-traitants, de suivi et de répartition des réserves au corps de métier correspondant (MyCheck).

Enfin, la gestion de la base documentaire et la validation de la diffusion aux parties prenantes des documents avec une gestion électronique puissante et paramétrable afin de s’assurer de construire sur la base de plans validés (MyDoc).

 

Marc Negre : De notre côté, l’approche de Kraaft a ses racines dans des équipes de Travaux Publics et VRD (Eurovia, Sogea, Vinci Energies), dont les chantiers se prolongent souvent pendant plusieurs semaines ou plusieurs mois et sur de grandes superficies (longs linéaires, ou interventions sur plusieurs départements).

Nous avons donc construit Kraaft autour de quatre grandes briques :

Une conversation par chantier. C’est le cœur du réacteur : une interface ultra simple proche d’un SMS où chef de chantier et conducteur échangent des messages, des photos géolocalisées, des vocaux retranscrits. L’objectif est d’avoir un temps de formation de moins de 10 min pour les équipes, et déjà d’historiser tout le fil de vie du chantier sur un seul canal.

Ensuite, la génération de rapports. Frédéric l’évoquait précédemment, le reporting est vite chronophage. Cette brique fonctionnelle permet de générer des rapports de chantier (acompte de fin de mois, dossier de justification) et des rapports d’événements en un clic. Et ce à partir des données de la conversation de chantier !

Pour permettre aux parties prenantes (conducteurs, géomètres, BE) de trouver l’info instantanément sans archéologie, Kraaft permet également d’explorer les chantiers plus seulement sous format chronologique, mais aussi sur une carte (photos & événements géolocalisés), sur un Tableur, sur un Kanban.

Enfin, nous veillons à la bonne distribution de la donnée. Nous nous intégrons par exemple aux SharePoint et Drive, pour envoyer le flux des chantiers au bon endroit.

Quels sont selon vous les clés pour que les équipes de terrain adoptent vos solutions ?

Frédéric Delrieu : Les enjeux de Sixense Digital sont d’accompagner la digitalisation de chaque chantier au plus près des utilisateurs, de sécuriser leurs données et de fiabiliser leurs usages, y compris en mobilité.

Notre service support guide les utilisateurs afin de maximiser l’impact positif de notre solution dans leur quotidien, l’exigence principale des opérationnels étant d’avoir une mise en œuvre facile et une adhésion rapide pour eux et leurs équipes.

Cela nous permet de clarifier les cas d’usage, de mettre à jour notre roadmap et de livrer régulièrement en production les améliorations nécessaires tous les mois.

Marc Negre : Je suis tout à fait en phase avec Frédéric ! Le tout c’est d’avoir une vraie ADN terrain, à la fois dans la formation, dans la compréhension des besoins, et la priorisation de la roadmap. De notre côté je dirais qu’il y a trois piliers pour une bonne adoption :

D’abord, la simplicité de l’outil ! Faire des choix forts pour garantir une expérience vraiment simple aux utilisateurs centraux (chez nous les chefs de chantier). C’est une ligne de crête toujours difficile à tenir, tant on voudrait mettre de fonctionnalités, mais attention au « feature-creep » (ajout infini de fonctionnalités) !

Ensuite, la formation et l’humain ! Arriver en agence et sur le terrain avec un grand sourire, de l’énergie, des croissants, pour des formations focalisées et dynamiques ! Ça crée du lien, ça engage les utilisateurs, et ça permet d’identifier simplement les possibles blocages.

Enfin, l’adaptabilité aux processus existants. C’est l’aspect « no-code » de Kraaft, qu’on retrouve aussi sous d’autres formes chez Sixense, qui permet d’adapter le produit très facilement aux processus internes (par exemple sur une structure de données ou un format de rapport).

 

Est-il possible de mesurer le gain de productivité lié à la digitalisation du suivi de chantier ?

Frédéric Delrieu : Les utilisateurs nous confirment que l’utilisation de Beyond InSite permet de diviser par deux la durée des réunions de chantier, c’est un gain non négligeable et simple à mesurer. Cependant, les enjeux de productivité vont bien au-delà de ce type d’action.

Bien que chaque chantier soit spécifique, certains enjeux de productivité sont identiques. Le traitement massif de données issues de nombreux chantiers permet dans cette perspective de les valoriser afin d’en extraire des indicateurs clés et de déterminer le type de tableau de bord nécessaire à leurs mesures.

Marc Negre : De notre côté les gains « mesurables » sont principalement exprimés en temps gagné pour retrouver les informations (pour certains dossiers de réclamation, heureusement pas si fréquents, un conducteur de travaux peut vite y passer 1-2-3 semaines !), et en travaux valorisés à leur juste valeur (quelques mètres de roche à casser, des changements de tracé de réseau, etc).

Et je suis complètement en phase avec Frédéric, les enjeux vont au-delà de facteurs « comptables ». On a beaucoup de retours sur des chefs de chantier plus engagés et responsabilisés, mieux valorisés pour le bon travail qu’ils/elles font. Ou encore tous ces petits gains de temps du quotidien (avoir le bon plan d’exécution sous la main, ne pas perdre 10 min à chercher la localisation précise du chantier, gagner un aller-retour en voiture non-essentiel, etc).

Quelles sont vos objectifs pour l’année qui vient ?

Frédéric Delrieu : L’un de nos objectifs est de faciliter l’adhésion et accompagner l’intégration des processus BIM dans l’ensemble de la chaine de valeur des métiers. Cela passe notamment par le fait de mieux incorporer les usages de la GED et du BIM dans les processus chantier. Pour y parvenir, il faut aussi accompagner la transition de la construction vers l’exploitation en intégrant le Dossier d’Ouvrage Exécuté (DOE) numérique aux processus d’exploitation et de maintenance. Enfin, il faut assurer la disponibilité rapide des données tout au long de la garantie de l’ouvrage.

Marc Negre : A chaque mois sa mise à jour de Kraaft, et les idées de nos utilisateurs et équipes se bousculent au portillon !

Parmi celles-ci, nous voulons notamment fluidifier toujours plus l’expérience cœur de la photo et l’annotation ; et favoriser les échanges avec la MOE et MOA à travers des modules spécifiques où l’accès à l’information est géré intelligemment.

Nous voulons également développer de nouvelles manières d’explorer et de chercher les photos et événements.

Enfin, nous voulons développer de nouvelles intégrations, notamment avec les SI de certaines entités du groupe VINCI, avec lequel nous avons des projets de plus en plus matures.

 

 

Contacts :

Frédéric Delrieu, directeur Général de Sixense Digital : frederic.delrieu@sixense-group.com

Marc Negre, co-fondateur de Kraaft : marc@kraaft.co

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