Les mobilités du futur, entre imaginaire et réalités territoriales.

bus collectif
Comment nous déplacerons-nous demain dans et entre les territoires ? La question appelle bien sûr des réponses multiples. Surtout, elle interroge les désirs et les représentations au moins autant que les pratiques. Deux études de fond inédites présentées pendant Building Beyond livrent ici de précieuses pistes.

Ville-centre ou périphérie, zone littorale ou montagneuse, village ou grosse agglomération : à chaque territoire ses usages en matière de mobilité. Comprendre les pratiques et les imaginaires de déplacement, ainsi que leur résonnance géographique, constitue une étape précieuse dans l’invention des modes de vie futurs. Jusqu’à quel point seront-ils plus sobres en 2050 ? Répondront-ils aux transformations souhaitées par les usagers ? « Nos modes de vie ne seront pas totalement bouleversés dans un quart de siècle, pour la bonne raison qu’ils sont en partie déjà là en 2023 », précise Stereen Henault, édudiante du mastère spécialisé Marketing Design et Création d’Audencia, qui a participé à une étude prospective commandée par Leonard, sur les modes de vie en 2050.

 

Mais de quel mode de vie rêvons-nous vraiment ? « Lorsqu’on interroge les Français sur leur idéal, beaucoup imaginent une vie à la campagne, dans une ferme, et en autosuffisance », relate Guénaëlle Gault, directrice générale de l’Observatoire Société et Consommation (ObSoCo). La société d’études et de conseil en stratégie dédiée à l’analyse des mutations sociétales a initié un travail inédit  sur le quotidien et l’imaginaire des Français, notamment en matière de mobilités. Une démarche construite sur trois étages méthodologiques : recension des connaissances (données, études, scénarios), focus groups qualitatifs, enfin enquête quantitative. « En analysant l’état de l’art de la littérature sur le sujet des mobilités, nous avons pu constater que l’essentiel de la connaissance renvoie à des données statistiques et des tendances objectivées. Il nous est apparu essentiel de nous attarder sur les imaginaires, en travaillant dans le cadre d’ateliers qualitatifs. Nous avons de surcroit choisi de zoomer sur une catégorie de la population ayant un rapport particulier à la mobilité, à savoir les périurbains habitant autour des villes moyennes et qui doivent utiliser la voiture quotidiennement », explique Guénaëlle Gault.

 

De quoi se nourrit l’imaginaire de ces citoyens de la France périurbaine ? De dualité tout d’abord : la mobilité est à la fois perçue comme une expérience de liberté (“prendre la route”) et comme une réalité contraignante (trajectoires obligées, embouteillages). Il apparaît par ailleurs que l’idée d’une mobilité libre et sereine peut être entravée par son coût – un phénomène d’hypervigilance (crainte de l’accident, de la complexité des modalités d’accès à certains mode et usages de transport, sentiment d’insécurité dans certaines zones et à certains horaires, etc.). Surtout, les imaginaires restent marqués par la centralité de la voiture, avec laquelle les Français entretiennent une relation complexe : indispensable, mais coûteuse et polluante.

Les imaginaires de mobilité demeurent bien sûr indissociables des pratiques effectives de déplacement. Si les recensements donnent des informations solides sur le lieu de résidence des ménages, sur les communes où ils travaillent, les déplacements professionnels quotidiens, eux, ne sont pas encore bien mesurés. Quant aux enquêtes de mobilité, elles donnent, sur des échantillons restreints, des informations à des échelles très larges.

En conjuguant le traitement de données du réseau de téléphonie mobile d’Orange et des données statistiques institutionnelles, le projet de recherche La France habitée, lancé au début de l’année 2022 avec le soutien de la Fabrique de la Cité, vise à livrer une photographie beaucoup plus fine et réelle des mobilités sur l’ensemble du territoire. « Pour la première fois, grâce aux données téléphoniques, massives, fiables et d’un haut niveau de précision spatiale et temporelle, il est possible de répondre à la question : “Qui est où ?” », développe Jacques Lévy, directeur de la chaire « Intelligence spatiale » de l’université Polytechnique Haut-de- France et co-animateur de ce travail de recherche.

L’étude a notamment défini un indicateur, l’« habitant.année », qui repose sur le calcul au sein de 50 000 unités géographiques du nombre de personnes y ayant séjourné en moyenne toute l’année. « Habiter, ce n’est pas seulement résider. Et l’on constate que la densité de l’habitat effectif est nettement plus contrastée que ce qu’on observe sur les cartes de population habituelles », note le scientifique. Ainsi, le poids des très grandes villes est plus fort qu’on ne l’avait mesuré jusqu’ici. Inversement, une bonne partie des villes moyennes et petites cumulent une faible attractivité de leurs aires urbaines et de leurs centres. Une réalité à l’inverse de ce que la plupart des récentes études d’attractivité semblent décrire.

Cet article est tiré de notre publication : Festival Building Beyond 2023. Les principaux enseignements

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