L’État de Californie vient d’en faire l’objet d’un grand plan d’investissement de 45 millions de dollars : les microgrids. Aussi dénommés « micro-réseaux intelligents », ces mini smart grids peuvent être définis comme « des réseaux électriques de petite taille, conçus pour fournir un approvisionnement électrique fiable et de meilleure qualité à un petit nombre de consommateurs ». Les microgrids associent des cellules de production, de consommation et de stockage d’énergie. Ils reposent sur des installations de petite échelle, utilisables dans des réseaux locaux (panneaux photovoltaïques, petits générateurs, turbines, etc.) et sont pilotables et gérables de manière centralisée. L’ambition de leurs promoteurs : développer les réseaux interconnectés d’électricité distribués et l’autoconsommation électrique.
Aux États-Unis, où le sujet intéresse de longue date l’État fédéral et les industriels via notamment le Berkeley Lab ou le CERTS, la Californie fait office de pionnière. Elle est le premier État à lancer officiellement une étude des opportunités et défis d’un lancement commercial des microgrids, dans le but de standardiser une technologie dont les usages sont jusqu’ici très personnalisés en fonction des besoins locaux. L’optimisation, par sa décentralisation, du stockage énergétique et celle, plus largement, du réseau de distribution pourraient changer radicalement la manière dont se produit et se consomme l’énergie. Cette stratégie s’inscrit dans l’ambitieuse trajectoire de transition énergétique de l’État californien, qui envisageait même de s’obliger par la loi à atteindre une consommation 100% d’origine renouvelable en 2045 – une proposition finalement repoussée par l’assemblée législative l’an dernier.
Particulièrement adaptées aux territoires isolés ou de faible superficie, les microgrids intéressent aussi en France – où la production d’électricité est pourtant historiquement organisée autour d’un petit nombre de grands centres de production. EDF y voit « une évidence technique et économique », et s’est lancé dans la R&D à ce sujet depuis 2014. Les applications possibles ? Des réseaux à petite échelle à destination de certaines typologies de clients finaux (hôpital, installation portuaire, îlot industriel, campus universitaire) ou encore des réseaux isolés et insulaires. Ouessant et Sein ont ainsi entamé la transition du tout-diesel au solaire pour leur alimentation électrique. Dans le monde, les projets de plus grande échelle trouvent un terrain favorable dans les pays et continents à réseaux décentralisés, comme en Asie du Sud-Est et d’Afrique, où l’électrification et la transition énergétique se font à l’échelle de petits réseaux électriques. La fiabilité, l’accessibilité-prix et le caractère non-polluant de ces réseaux, caractéristiques essentielles au développement économique local, coïncident avec les caractéristiques des microgrids.
Aux États-Unis, certaines collectivités souhaitent disposer de la liberté de s’affranchir momentanément du réseau centralisé et, plus généralement, c’est la résilience des réseaux énergétiques qui est recherchée, en particulier après le passage de l’ouragan Sandy en 2012. Les microgrids apparaissent depuis comme une solution de premier choix pour les villes américaines côtières exposées aux événements climatiques exceptionnels. Les Etats de New York, du New Jersey, du Connecticut et du Massachusetts ont déjà mis sur pied, suite à cette première “sonnette d’alarme”, des objectifs de résilience énergétique dont les microgrids sont les premiers piliers. L’automatisation de la distribution énergétique et l’existence de réseaux locaux résilients sont intégrés à la conception des équipements publics à long terme, pour parer à toute urgence future. D’autres États suivent : à l’automne 2017, durant les ouragans Harvey et Irma, les quelques microgrids du Texas alimentés au gaz ou à l’énergie solaire ont permis de maintenir ouverts de nombreux supermarchés et stations-essence locaux. Une forme de preuve de concept qui pourrait selon certains observateurs ouvrir la voie à une généralisation des réseaux d’énergie distribués. A l’heure où la connexion devient un service de première nécessité pour les clients, la résilience du réseau et l’absence de coupure en cas d’événement extrême deviennent des atouts différenciants.