Les freelances sont considérés comme des travailleurs indépendants, exerçant une activité de service et/ou de prestation intellectuelle dans les secteurs ne relevant pas de l’agriculture, de l’artisanat et du commerce (dont les livreurs par exemple). En 2019, ils étaient 930 000 en France, dont plus de 500 000 dans les métiers du numérique. De 5%, cette catégorie de travailleurs indépendants devrait passer à 14% en 2024 selon un sondage de l’IFOP de 2020. Ils réalisent leurs missions parfois au sein des bureaux de leur client, parfois à distance. Ils travaillent en direct avec leurs clients, par l’intermédiaire de « marketplaces », ou parfois à travers des sous-traitants.
La progression du freelancing au détriment d’un emploi stable en CDI était déjà émergente avant la crise, comme nous le soulignions dans notre collection sur les nouvelles formes de travail. La crise pandémique pourrait bien apparaitre comme un accélérateur de cette tendance.
Les entreprises ont été prises de court par cette crise et doivent s’adapter à un contexte très incertain. Elles disposent de peu de visibilité et la majorité d’entre elles redoute une nouvelle crise sanitaire et une récession durable. Les gels d’embauches et les plans sociaux se banalisent : d’après l’Insee, l’économie française a perdu plus d’un demi-million d’emplois au cours des trois premiers mois de l’année. Au total, et selon des estimations de la Banque de France, la crise sanitaire du coronavirus pourrait engendrer la destruction d’un million d’emplois sur l’ensemble de l’année 2020. À ce phénomène vient s’ajouter le fait que 85% des métiers en 2030 n’existent pas encore (selon une étude du think tank californien Institute for the Future – IFTF).
Pour autant, les entreprises doivent continuer de produire. La flexibilité et l’agilité promises par le freelancing apparaissent comme une solution efficace pour palier l’incertitude et anticiper les transformations des métiers.
Le statut de freelance peut répondre aux attentes de travailleurs en recherche de sens et de liberté. Ces aspirations, déjà présentes avant la crise, se voient renforcées aujourd’hui. Le salariat n’est plus le garant de l’accomplissement et de l’engagement, autres valeurs recherchées, notamment par les nouvelles générations. C’est aussi un moyen de valoriser des compétences de pointe dans des marchés tendus, en intelligence artificielle par exemple. La contrepartie de cette liberté est une précarisation de l’emploi. Protection sociale faible, activité fluctuante selon le contexte économique, dépendance à un ou quelques clients sont autant de facteurs risquant de se faire ressentir plus durement au cours des prochaines années. La multiplication de nouvelles plateformes pour d’autres catégories de travailleurs indépendants pourrait contribuer à accroître la précarité des freelancers.
Si cette tendance au freelancing n’est pas un simple rebond mais bien un ancrage dans le long terme, comme différents signaux le laissent présager, c’est toute une organisation du travail qui est à repenser pour les entreprises françaises. L’employeur devra organiser le triptyque salariés (parfois freelances une autre partie de leur temps), freelances et technologies, interrogeant ainsi le management, la culture d’entreprise les espaces de travail. Par-delà les vœux pieux, les entreprises devront enfin passer à l’action pour adapter durablement leur organisation du travail.