Derrière son acronyme explosif, le BIM (Building Information Modelling/Management) est sans doute la transformation technologique contemporaine la plus incontournable pour les secteurs du bâtiment et des infrastructures. Aujourd’hui, la question n’est plus vraiment de savoir si le BIM va se généraliser, mais à quel rythme et selon quelles modalités. Sans revenir sur une définition déjà très discutée, il est bon de rappeler ses bénéfices en termes de conception, de construction et d’exploitation : centralisation de l’information, homogénéisation de la documentation, meilleure gestion des coûts et des plannings… Cette modernisation de l’ensemble du cycle de vie du bâtiment s’accompagne d’un nouveau langage et de nouveaux métiers que l’ensemble des acteurs du secteur doivent intégrer. Une phase complexe qui demande aujourd’hui un vrai travail de pédagogie et de “démystification”. Afin d’appuyer sur la dimension concrète des pratiques du BIM nous avons décidé de plonger dans le quotidien d’un des nouveaux métiers phares : BIM Manager.
Fixer les règles du jeu
Pour comprendre précisément les tâches dévolues au BIM Manager, nous avons pu nous appuyer sur l’expertise de Daphné Dureisseix, aujourd’hui directrice adjointe du service I-BIM chez VINCI Construction France, après avoir exercé comme BIM Manager sur les projets de la Tour Trinity ou de la Tour Saint-Gobain à la Défense. “La première tâche, c’est de retranscrire les pièces contractuelles et les règlements de consultation dans un document essentiel : la convention BIM. C’est le socle commun à tous les métiers qui va régir l’organisation du BIM sur l’ensemble du projet”, commence-t-elle par nous expliquer. Pour le dire autrement, le BIM manager fixe les règles du jeu qui doivent être acceptées par l’ensemble des acteurs, amenés à collaborer sur des données partagées et des maquettes communes.
Parmi les éléments déterminés à ce stade, on retrouve des questions logicielles. VINCI a fait le choix de REVIT, qui permet une approche multi-métiers, mais ce n’est pas nécessairement le cas de l’ensemble des parties prenantes. Il faut donc préciser des formats neutres d’échanges de données pour garantir une véritable interopérabilité, qui est au coeur de la démarche BIM. La convention va également se pencher sur le niveau de détail en termes de “géométrie”, qui correspond à la précision des modélisations. Doit-on modéliser certains objets par des volumes ou selon les spécifications exactes du fabricant ? Doit-on représenter les carrelages carreau par carreau ou non ? Dans le même ordre d’idée, le document va déterminer le niveau d’information nécessaire pour chaque objet en fonction des besoins du projet. Si l’on prend l’exemple d’une cloison : faudra-t-il intégrer le degré feu, l’affaiblissement acoustique, le choix des matériaux ?
Agir en chef d’orchestre
Une fois les règles inscrites dans le marbre, le BIM Manager enfile une casquette de chef d’orchestre, qui demande une approche et une culture assez généralistes du secteur de la construction. “Il est au contact de tous les acteurs du projet. Il doit montrer à chacun quels sont les avantages de la démarche. 80% du métier est lié à de la pédagogie et il faut s’adapter à des maturités très inégales sur le sujet de la part des co-traitants”,explique Daphné Dureisseix. Dans cette diversité de métiers et d’approches, le BIM manager doit garantir la fluidité du travail collectif : “Une grande partie du travail consiste à contrôler les maquettes qui vont être utilisées par l’ensemble des acteurs.”Ici, on contrôle la forme plutôt que le fond, on corrige les “bugs” plutôt que la conception en tant que telle de l’ouvrage. Dans ce rôle central, impossible de ne pas partager avec les métiers de la construction une connaissance fine des procédés et savoir-faire qui ont cours sur le chantier : “Sur une maquette structure on va par exemple vérifier que les maçonneries ne percutent pas les dalles…”précise Daphné Dureisseix.
Rester le gardien du temple
Tout au long du projet, le BIM Manager joue un rôle de référent. “Avec le directeur de synthèse, il contrôle la cohérence technique et géométrique des différents lots”, explique Daphné. Dans ce rôle de gardien du temple, le point d’orgue intervient lors de la validation de la maquette finale. Pour boucler la boucle, cette dernière doit être en adéquation avec la convention BIM, définie en début de projet.
En attendant sa prochaine mission, le BIM manager pourra alors s’atteler à une autre de ses tâches : l’évangélisation au coeur de l’entreprise, rendue nécessaire par l‘adoption rapide des outils et des méthodologies du BIM. “Il faut faire monter en compétence tout l’écosystème”, explique Daphné Dureisseix avant de conclure. Dès aujourd’hui, les projets les plus complexes s’appuient sur le BIM, qui va s’étendre progressivement aux autres constructions et ouvrages : “Les projets réalisés sous BIM représentent déjà plus de 30 % du chiffre d’affaire. Le BIM est devenu incontournable sur tous les grands projets.”