Lorsqu’on traite la question du véhicule autonome, nos imaginaires se tournent immédiatement vers les expériences « voyageur » de Waymo, Uber ou Tesla. Pour autant, les applications professionnelles remontent à plus longtemps encore. Pionnier, John Deere cherche à automatiser les véhicules agricoles depuis plus de 20 ans. Le groupe s’est d’ailleurs invité au CES pour la première fois en 2019, afin d’assumer un statut d’entreprise technologique. Volvo devrait commercialiser son premier camion autonome d’ici quelques mois pour le secteur minier. Ces usages pilotes – dans le cadre relativement sécurisé de la mine ou de l’agriculture – ouvrent aujourd’hui la voie à des applications urbaines. Les secteurs de la maintenance ou de l’entretien sont particulièrement dynamiques et laissent imaginer l’émergence d’une ville « autocicatrisante ».
La maintenance urbaine, nouveau terrain d’expérimentation
Les véhicules autonomes promettent un entretien optimisé de nos villes. Couplés à des solutions logicielles adaptées, ils ouvrent la voie d’une plus grande rationalisation du ramassage des déchets, du déneigement ou de l’entretien des voiries. Incarnation de cette transformation, un projet mené par des chercheurs de l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) et la startup Cortexia, promet des camions de ramassage capables de faire le diagnostic de propreté d’une rue et d’adapter leur parcours en conséquence !
Naturellement, startups et nouveaux entrants se positionnent sur le créneau. C’est le cas de Left Hand Robotics qui ambitionne de transformer radicalement le déneigement avec SnowBot Pro. Programmé et surveillé depuis une application, le robot réalise ensuite l’ensemble du travail de déneigement seul, 14 fois plus vite qu’avec une simple pelle, selon ses concepteurs. Il est par ailleurs capable de détecter les obstacles et d’adapter son parcours sans intervention humaine. Selon un principe similaire, l’entreprise italienne TMS a conçu l’Ariamatic 240, présenté comme le premier aspirateur urbain équipé d’un système de pilotage autonome. Celui-ci ne se passe pas encore d’un opérateur humain, mais il lui permet de se concentrer sur de nouvelles tâches en le suivant à la trace.
Plus prospectif, le projet Self Repairing Cities ambitionne de créer et tester des robots capables de diagnostiquer les besoins, puis de réparer les infrastructures urbaines. Testé à Leeds, il s’organise autour de trois axes. Le premier s’appuie sur des drones capables de réaliser les opérations de maintenance ou de modernisation. Le second consiste à déployer des flottes de drones pour le diagnostic. Enfin, le troisième envisage de produire des robots déployés en permanence au sein des infrastructures, capables d’effectuer des relevés et des opérations de maintenance. Parmi les premières réalisations du projet : un drone équipé d’une imprimante 3D capable de combler les nids de poule !
Des freins techniques aux freins sociaux
Si le bénéfice de l’automatisation des véhicules de maintenance semble indéniable pour la ville, elle se heurte également à bien des obstacles. Les premiers sont techniques et relèvent de manière générale d’une « interopérabilité » entre les véhicules et les infrastructures. Dans ce contexte, le partage des données est fondamental pour autoriser la communication entre véhicules. C’est le constat que font Continental et Hewlett Packard Enterprise, qui lancent une plateforme de partage des données « cross brand » basée sur la blockchain. L’ambition ? Permettre aux marques de partager leurs données tout en gardant le contrôle sur ces dernières…
L’autre incertitude est sociale. De nombreux emplois sont directement menacés par l’automatisation. Robin Chase, fondatrice de Zipcar, ne mâche pas ses mots dans une interview donnée à Ouishare. « Quand les réseaux d’eau et d’assainissement ont vu le jour à Paris, 20 000 porteurs d’eau ont perdu leur emploi dans la ville. Si je travaillais dans le secteur du transport, je m’attacherais à chercher un nouveau job. » Aux États-Unis, les véhicules autonomes pourraient à terme menacer 3,8 millions d’emplois selon une étude de Goldman Sachs. Un défi pour les villes et les collectivités en général, qui peuvent malgré tout compter sur la relative immaturité des technologies pour préparer la transition. Optimiste, la même étude promet une transition vers des métiers de programmation, d’ingénierie ou de maintenance…