C’est l’une des « grosses » annonces de la fin 2019 : Boston Dynamics, l’un des géants de la robotique (appartenant à SoftBank), s’alliait à HoloBuilder, « le » spécialiste des technologies d’imagerie appliquées à l’ingénierie et au bâtiment (affilié au programme CATALYST de Leonard) pour une app permettant, moyennant un chien-robot, de documenter de manière autonome les avancées d’un chantier. Nouveau feu de paille dans la déjà longue histoire des promesses de robotisation de la construction, ou réel marqueur d’un switch ?
Des investissements initiaux conséquents
HoloBuilder et ses concurrents sont des acteurs d’un type précieux. Ils permettent de faire la passerelle entre deux mondes – celui de la construction et celui des nouvelles technologies – qui, malgré toutes les volontés affichées, manquent encore d’une grammaire commune, de compétences complémentaires et même d’espaces pour exprimer des synergies. Comme Chloé Clair, CTO de VINCI Construction, le confie à Leonard, « l’innovation se concrétise avant tout là où il y a des gains évidents de productivité, mais aussi là où il y a facilité à prendre en main. L’accompagnement au changement, c’est peut-être « bateau », mais rien ne remplace des équipes dédiées qui travaillent à l’interface de deux écosystèmes et qui accompagnent directement certains chantiers moteurs, in situ. »
Plus généralement, comme le montre cette étude parue en novembre 2019, les principaux facteurs limitant la robotisation des chantiers concernent, non les clients, mais bien les acteurs du marché de la construction. Au sommet de la liste de ces facteurs figure ainsi une certaine frilosité par rapport au volume initial conséquent d’investissement en capital. Plus étonnant, le certain retard vis-à-vis d’autres secteurs serait également l’absence d’un besoin « fort » d’améliorer la productivité, en raison d’un manque d’incitations publiques et d’un accès (trop) aisé à une force du travail suffisamment productive. L’aversion au changement, les budgets R&D insuffisants ou le manque de main-d’œuvre formée, s’ils restent des freins, seraient des freins secondaires.
Sortir du mythe du chantier augmenté
Un autre enseignement majeur de l’étude menée par le Big Data Enterprise and Artificial Intelligence Laboratory de Bristol, c’est que l’immaturité des technologies – voire l’incertitude quant à leur efficacité – n’est pas du tout un facteur explicatif à une robotisation jusqu’ici relative des chantiers. « L’imaginaire associé à l’automatisation, c’est un chantier entièrement robotisé et déshumanisé, où tout roule comme sur une chaîne de montage, abonde Chloé Clair, or ce vers quoi l’on se dirige, ce sont avant tout des nouvelles technologies accessibles qui robotisent certaines tâches, ou certaines parties de certaines tâches ».
La cobotique, qui associe humain et robot, est de fait la nouvelle frontière la plus tangible lorsque l’on parle automatisation des chantiers. Robots for site, nouvelle entité issue d’un projet made in Leonard et co-signée VINCI Energies, VINCI Construction et Eurovia, vise ainsi le lancement prochain (en série) de « cobots » intervenant sur tâches pénibles et répétitives. « Une infime part des chantiers est prête, aujourd’hui, à se robotiser, précise Chloé Clair, mais nous nous armons pour le faire, également sur d’autres aspects d’industrialisation de certains process, notamment la préfabrication d’éléments de béton ». Laquelle est déjà à l’œuvre sur certains chantiers ou, phase amenée à être de plus en plus critique, sur certaines préparations de chantiers, qui accueilleront, à un horizon de moins de cinq ans, de plus en plus d’éléments 2D ou 3D préfabriqués…
Les autres piliers, bien réels, de la robotisation de la construction ? Les très sexys exosquelettes et robots-« inspecteurs », avec Boston Dynamics, donc, ou encore Doxel, mais aussi, loin peut-être du mythe du chantier 4.0, la maçonnerie ou la ligature automatisée des barres d’armature. C’est là, aujourd’hui, que les investissements convergent…