Qu’est ce que la blockchain ?
Une blockchain est une base de données qui contient l’historique de tous les échanges effectués entre ses utilisateurs. Cette base de données est sécurisée de par sa conception et est distribuée : elle est partagée par tous les utilisateurs, ce qui permet à chacun de vérifier la validité de la chaîne. Chaque utilisateur possède donc une copie intégrale de la base de données. Un bloc est constitué d’un ensemble d’informations qui une fois crypté est lié aux autres blocs puis distribué entre tous les utilisateurs. Le mathématicien Jean-Paul Delahaye donne l’image “d’un très grand cahier, que tout le monde peut lire librement et gratuitement, sur lequel tout le monde peut écrire, mais qui est impossible à effacer et indestructible”.
Plus de smart contracts, moins de conflits ?
Les contrats dans la construction sont régulièrement source de conflits, du fait du grand nombre d’acteurs et de corps de métiers impliqués. Dans ce contexte, les smart contracts appuyés sur la blockchain ouvrent des potentiels de contractualisation plus ouverte, traçable et sécurisée, pour limiter les conflits. Un smart contract est “un protocole informatique qui facilite, vérifie et exécute la négociation ou l’exécution d’un contrat”. Concrètement, il fonctionne sur le mode du “if-then”: si une condition est réalisée (par exemple une livraison), alors le programme s’exécute automatiquement (en réalisant le paiement).
Dans le domaine de la construction, les consultants d’EY proposent deux exemples concrets de mise en place de smart contracts.
– Une optimisation de la gestion des longues chaînes de sous traitance. Dans les projets les plus importants, les smart-contracts peuvent permettre d’automatiser la validation de la facturation en fonction d’une progression certifiée du chantier.
– Tiers de confiance pour des contrats à forte demande de disponibilité. Dans le cadre d’un contrat de gestion des ascenseurs d’un hôpital, un smart contract a permis d’automatiser la gestion des factures, des pénalités, et éventuellement la mobilisation des assurances.
Blockchain et BIM : données et confiance
Les applications des modèles de données du bâtiment (BIM) reposent sur la transparence de données partagées et collaboratives. La confiance et la traçabilité de ces données est une des conditions du succès des projets BIM. Dans ce contexte, la blockchain peut jouer un rôle de garant en assurant la sécurité et la traçabilité de l’information, en donnant des garanties en cas de litiges, en assurant, l’intégrité, la transparence et l’authenticité des données. Selon Autodesk, l’un des leaders du marché des logiciels dans la construction, cette intégration de la blockchain au BIM pourrait également alléger le travail administratif en automatisant un certain nombre de tâches liées à la facturation.
Blockchain et traçabilité des déchets
L’économie circulaire dans la construction est un sujet cher à Leonard. La question des déchets est particulièrement fondamentale dans le secteur depuis l’adoption de la loi la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC), qui élargit les responsabilités du secteur du BTP. Aujourd’hui, l’un des principaux freins au développement de logiques circulaires reste la traçabilité des déchets, limitée par une information silotée et non standardisée. Les solutions basées sur la blockchain pourraient apporter des réponses afin de structurer la filière. C’est l’ambition portée par le projet CYCLop, pensé par Trace et IBM Consulting. La plateforme vise à “réunir les différents acteurs de la filière : producteurs de déchets, laboratoires d’analyse, assistants à maîtrise d’ouvrage, transporteurs, entreprises de travaux, négociants, exutoires et acteurs de la revalorisation”. Elle s’appuie sur le protocole blockchain Hyperledger Fabric et propose une première application pour la traçabilité des terres, des déblais et des sédiments.
Une scène de nouveaux acteurs encore balbutiante
Les usages de la blockchain dans les métiers de la construction doivent encore faire leurs preuves, et les initiatives restent peu nombreuses et peu financées. Pour y remédier, des acteurs comme le Construction Blockchain Consortium cherchent à réunir les grands acteurs de la filière autour du sujet.
La dimension la plus explorée aujourd’hui est sans doute l’aspect financier de la construction. Un acteur tel que Briq a récemment levé 30M$ pour mettre la blockchain au service de l’automatisation des flux financiers dans le secteur. Builderchain et Builderpay proposent une marketplace basée sur les smart contracts afin d’optimiser les processus de paiement des sous-traitants.
La traçabilité, déjà mentionnée à travers le projet CYCLop, est également porteuse. La startup Écossaise Hypervine incarne bien la tendance. Associée à l’ESA, elle s’appuie sur la blockchain pour garantir la précision et la validité de l’imagerie spatiale destinée au secteur minier…
Des freins culturels, techniques et économiques
Malgré toutes ses promesses, la blockchain ne devrait pas intégrer le quotidien des acteurs de la construction à court terme. Elle doit d’abord surmonter un certain nombre d’obstacles liés à la technologie elle-même ou au monde de la construction en particulier. Elle doit d’abord dépasser le scepticisme “culturel” associé à une nouvelle technologie qui bouscule l’approche traditionnelle de la contractualisation ou des transactions, dans un secteur qui a engagé sa transition numérique avec prudence. Elle doit également faire ses preuves d’un point de vue économique. Sa capacité théorique à réduire les coûts est prometteuse, mais son implémentation demande des systèmes et des compétences techniques coûteux à mettre en place. Enfin, elle doit atteindre une maturité technique, encore assez lointaine dans le domaine de la construction qui compte relativement peu d’acteurs positionnés sur le sujet.
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