Le logement abordable, nouveau terrain de jeu de la proptech

La crise du logement, insolvable ? La question, qui taraude les pouvoirs publics depuis des décennies, est désormais aussi en ligne de mire de la «proptech» (start-ups de l’immobilier), qui y voit un moyen d’accroître son emprise sur le marché. Et, à l’optimisation de l’efficacité de la construction de logements, s’ajoute désormais le sujet de l’accessibilité de ces logements à des publics peu aisés. Un domaine, comme tant d’autres avant lui, « plateformisable » ?

Près de dix ans après la crise de 2008, née des fragilités intrinsèques au vaste système d’emprunts immobiliers toxiques, l’OCDE alertait : « nous avons besoin de plus de logements abordables, et de meilleure qualité ». L’organisation notait par exemple qu’aux États-Unis, plus de la moitié des locataires les moins aisés dépensent plus de 40% de leurs revenus dans leurs dépenses de logement, tandis que 30% des Français, tous revenus confondus, juge  que leur logement pèse trop lourd dans leur budget.

 

Les parrains de la “proptech” se lancent dans le logement abordable

Les acteurs traditionnels de l’habitat font souvent face à des difficultés pour résoudre le défi du logement abordable. C’est donc un boulevard entier qui s’ouvre à tous les acteurs innovants pour conquérir ce marché. MetaProp, le premier fonds d’investissement « proptech » en early-stage au monde, vient de lancer un premier plan de 5 millions de dollars pour soutenir de jeunes pousses ciblant ce segment. Convaincu que le manque de logements accessibles (le besoin américain est estimé à 7,2 millions de logements) va perdurer, MetaProp vise à « instantanément modifier la manière dont on fabrique et « consomme » le logement abordable – sans même poser de briques ou demander de permis de construire ». Le fonds soutient de nouveaux acteurs innovants qui entendent « ré-intermédier » la relation entre fournisseurs et consommateurs.

Jusqu’ici pourtant, les observateurs s’accordaient sur l’incapacité de la technologie à se positionner de manière déterminante sur l’« affordable housing ». C’est en effet sur le seul volet de la construction préfabriquée, modulaire, que les efforts se sont concentrés. Les grands noms, ici, sont Katerra (fournisseur de services de construction end-to-end valorisé à 4 milliards de dollars, dont nous vous parlions ici), Blokable et son système de construction par blocs qui promet une vaste désintermédiation du développement immobilier, ou encore le Californien Factory OS, une des nombreuses pépites du « modulaire », dont la ligne de production automatisée promet de réduire les coûts de construction de 30%.

 

Tech et affordable housing : le début de l’histoire ?

Mais l’innovation liée à la crise du logement, ou « Housing Tech », si elle compte sur la réduction des coûts de construction, entend aussi le dépasser et intégrer l’épineuse question de l’accès au foncier. La réduction des coûts de construction de logements et la production industrialisée de petites unités d’habitation peu coûteuses n’ont en effet pas encore atteint de résultats probants. En partenariat avec l’entreprise sociale Enterprise, MetaProp a ainsi plutôt choisi d’investir dans Point Digital Finance, une start-up consacrée aux prêts immobiliers en shared-equity, une nouvelle manière accessible de financer des investissements dans le logement pour les petits propriétaires. Le duo MetaProp-Enterprise ambitionne ainsi de créer de l’effervescence dans ce nouveau segment de la « HousingTech ». Celui-ci deviendrait le quatrième pilier de la proptech après la numérisation des équipements immobiliers, les solutions de courtage et, surtout, les solutions (3D ou modulaire) visant à doper l’efficacité de la construction.

Comme le sous-entend MetaProp, il s’agirait, aussi, d’aborder la question de l’optimisation du parc existant : la start-up type de ce nouveau segment se chercherait plutôt du côté de OneApp qui vise à briser les barrières de l’accès au logement pour les publics en difficulté en automatisant le matching locataires – logements. En France, le logement social a lui aussi déjà ses start-ups : citons par exemple Lokalok de l’In’li Lab, avec sa plateforme d’optimisation de la mobilité résidentielle des locataires.

 

Les GAFAM sur le pont

La crise du logement à San Francisco, marquée par les inégalités en plein cœur de la Bay Area, a par ailleurs poussé les GAFAM à se positionner : chacun met en œuvre des projets immobiliers incluant du logement accessible. Facebook, Amazon, Microsoft ont tous dirigé d’importants fonds à destination de la construction de milliers de logements abordables pour les zones en tension de la Silicon Valley.  Google a quant à lui choisi de faire des dons pour la recherche de solutions à la question des sans-abri, mais a également lancé une coopération avec Factory OS. Avant de se lancer dans le marché de la « HousingTech » ?

Des signes le montrent : Google a déjà investi dans une plateforme automatisant et optimisant la relation propriétaire-locataire et Amazon, plus traditionnellement, dans une start-up du pré-fabriqué. L’entrée du privé, grands acteurs historiques, ou de jeunes pousses innovantes, a récemment été théorisée comme une nouvelle voie amenée à supplanter le seul investissement des pouvoirs publics sur le sujet de l’accès au logement : une théorie bientôt en actes ?

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