La construction est un secteur à risques. Les données sont claires : après les bûcherons, les pêcheurs et les pilotes d’avions, le classement des métiers les plus dangereux est très largement occupé par les métiers du bâtiment ou de la construction. Les accidents[1] sont la première cause d’arrêts. Ils surviennent le plus souvent à l’occasion de manutention manuelle (48 %), de chutes de hauteur (17 %), d’utilisation d’outillage à main (15 %) et de chutes de plain pied (14 %). Mais d’autres risques plus systémiques existent, liés aux maladies professionnelles et aux troubles psycho-sociaux, ou plus récemment à la menace pandémique et au changement climatique. Les entreprises du BTP déploient des efforts considérables afin d’assurer la sécurité de leurs employés. Pour un acteur comme VINCI, c’est une part intégrante de la culture d’entreprise, autour d’un motto clair : l’objectif “zéro accident”. Si l’équipement, la réglementation, la formation et les méthodologies restent les leviers principaux dans la réalisation de cette ambition, ils sont aujourd’hui rejoints par un allié de poids : les technologies.
L’intelligence artificielle, nouveau partenaire sécurité
Le traitement intelligent des données ouvre de nouvelles perspectives pour les applications de sécurité. La piste la plus prometteuse est sans doute celle d’une gestion des risques plus prédictive. Grâce à l’analyse d’images, de mouvements et de données, les solutions construites grâce à l’IA sont déjà en mesure de pointer certaines défaillances invisibles à l’œil humain. En combinant wearables (EPI connectés) et machine learning, la startup allemande WearHealth est capable de formuler des alertes ou des recommandations. Elle s’appuie pour cela sur des données physiologiques et opérationnelles récoltées sur le chantier. La jeune pousse israélienne Intsite met également à profit l’intelligence artificielle, autour de l’analyse d’images. Grâce à des caméras installées sur les engins de chantier, la technologie ForeSite permet de donner de précieuses informations de sécurité aux opérateurs. Plus prospective encore, la technologie AutoSite permet de déterminer automatiquement les manœuvres les moins dangereuses, en particulier pour les grues. Selon McKinsey, l’utilisation de ces technologies pourrait également favoriser la productivité, sur des ordres de grandeur pouvant aller jusqu’à 60% !
Automatisation et robotisation pour les tâches les plus dangereuses
La science-fiction nous a habitués aux robots humanoïdes. Dans la réalité, il se révèlent souvent moins expressifs mais tout aussi utiles. Leur capacité à atteindre des zones dangereuses, ou à réaliser des tâches à risques les rend de plus en plus indispensables au secteur du BTP. Suite au désastre de Fukushima, le robot nageur Little Sunfish développé par Toshiba a ainsi pu se glisser à l’intérieur du réacteur. Plus intégrés au quotidien du chantier, les bras robotisés de PaintUp permettent de réaliser des travaux de façade grâce au guidage laser. Une manière de limiter les risques de chute et de troubles musculo-squelettiques chez les opérateurs. L’automatisation des tâches liées à la sécurité bénéficie également du développement des drones. La startup israélienne vHive, qui vient de rejoindre le programme CATALYST de Leonard, développe des flottes de drones qui permettent une inspection automatisée et sécurisée des chantiers.
Wearables et IoT investissent les EPI
Le quantified-self et les objets connectés ne sont plus réservés aux sportifs et aux utilisateurs de Strava. Le secteur du BTP connecte ses travailleurs afin de garantir leur sécurité. La startup Kenzen, également membre du programme CATALYST de Leonard, propose un capteur de données physiologiques afin de suivre les efforts de chaque employé, et d’intervenir le cas échéant, comme le décrivait la COO Heidi Lehmann, dans le 3e épisode de notre podcast Fondations. Checkglove, produit par Neoratech (membre du programme SEED de Leonard), est une paire de gants destinée aux techniciens travaillant sur les lignes à moyenne tension. Elle permet d’effectuer rapidement la V.A.T. (Vérification d’Absence de Tension) en toute sécurité. S’il serait fastidieux de faire une revue de l’ensemble des technologies proposées, ces solutions, qui sont également des applications de l’IoT, ont fait leur apparition sur la plupart des EPI. Gaston Mille développe des chaussures connectées capables de donner l’alerte en cas de perte d’équilibre. Les lunettes connectées de Vuzix comptent faire entrer la réalité augmentée sur les chantiers, pour analyser les facteurs de risque et notifier leurs porteurs. Évidemment, les casques ne sont pas en reste et testent des solutions numériques. C’est le cas de Guardhat, qui intègre depuis peu des notifications liées à la fameuse distanciation sociale (entre autres fonctionnalités).
Le numérique au service de la formation
En dehors du chantier, les solutions technologiques font aussi leur part pour améliorer les conditions de sécurité. Sur les sujets de formation ou de prévention, elles offrent des solutions plus immersives et interactives. Unity développe ainsi des programmes de formation en VR spécialement dédiés au domaine de la construction. Ils permettent d’éviter les risques inhérents aux manipulations sur site. Les MOOCs permettent également de développer des supports plus interactifs. Dans cette logique, l’OPPBTP a mis en place la plateforme www.reglesdelartamiante.fr qui permet d’encadrer l’intervention des différents métiers et de sensibiliser sur les risques.
Un enjeu de cybersécurité
Paradoxalement, si les nouvelles technologies apportent des solutions puissantes, elles font émerger une nouvelle forme de risque : celui de la cybersécurité. Selon PwC, 53 % des entreprises du secteur ingénierie et construction ont été victimes de cyber incidents. Ces dernières mettent en moyenne 206 jours pour détecter une intrusion ! Face à la menace, Autodesk formule 5 recommandations pour venir en aide aux entreprises du BTP, souvent peu matures sur le sujet. La première consiste à se pencher sur la question de l’ingénierie sociale, la plupart des intrusions numériques étant dues à une fuite humaine. La seconde concerne les messageries, souvent mal protégées. La troisième recommande la mise à jour des talents internes : l’embauche d’un spécialiste de la cybersécurité s’avère souvent rentable face à l’ampleur du risque. La quatrième se penche sur les protocoles d’accès aux données. Enfin, la dernière préconise un suivi régulier des mises à jour logicielles.
[1] https://blog.batimat.com/gestion-des-risques-btp/